10 réponses pour en finir avec les préjugés concernant la justice des mineurs

2/ Les jeunes entrent dans la délinquance de plus en plus tôt.

FAUX. Par Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS, rattaché au Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, Aix en Provence).

L’affirmation selon laquelle les délinquants sont « de plus en plus jeunes et de plus en plus violents » remonte au moins à la fin du 19ième siècle (voir L. Mucchielli, L’invention de la violence, Paris, Fayard, 201 1 ). Dès lors, si les délinquants rajeunissaient continuellement depuis plus d’un siècle, on s’attendrait à ce que, bientôt, les nourrissons braquent les banques... Les recherches scientifiques invitent à réfléchir plutôt aux quatre problèmes suivants.

Au plan statistique, il faut distinguer les données qui proviennent du comptage de l’activité des institutions prenant en charge les jeunes et celles qui proviennent des enquêtes en population générale (qui interrogent directement et anonymement des échantillons de jeunes). Sur les 20 dernières années, les premières indiquent des hausses tandis que les secondes indiquent une stagnation globale voire des baisses partielles.

Conclusion : ce ne sont pas les comportements qui changent mais leurs prises en charge. La question du rajeunissement se pose dans ce cadre. Dès lors quel’on s’inquiète et que l’on judiciarise de plus en plus les illégalismes juvéniles, les seuils de déclenchements de la réaction institutionnelle s’abaissent, l’on attrape plus de monde et cela commence plus tôt.

Exemple : le harcèlement mobilise aujourd’hui les pouvoirs publics dès l’école primaire, cela ne signifie pas que les comportements concernés soient nouveaux ni plus nombreux.

L’évolution des modes d’éducation parentale et des relations entre adultes (plus d’anonymat, moins de solidarité) conduit parfois à un relâchement des cadres éducatifs et un affaiblissement de l’autorité des adultes.

Ceci est une vraie question mais qui n’est pas centrale en matière de délinquance. Les jeunes qui basculent durablement dans la délinquance sont déterminés par d’autres facteurs : carences affectives précoces, violences intrafamiliales, échec scolaire, facteurs collectifs d’entraînement dans le quartier, absence de perspective d’insertion... Et, aujourd’hui comme hier, ces « carrières délinquantes » (au sens d’un engagement durable et assumé dans la délinquance) se fixent en moyenne vers l’âge de 1 5 ans.

Le débat public se désintéresse d’une autre question autant sinon plus importante : quand est ce que la délinquance s’arrête ? Le chômage de masse qui frappe les jeunes peu ou pas diplômés constitue un obstacle majeur à la réinsertion. Il est ainsi probable que l’on assiste non pas à un rajeunissement
mais plutôt à un vieillissement de la délinquance.

Si les petite et moyenne délinquances concernent surtout des jeunes, d’autres formes de délinquance aussi graves mais beaucoup moins visibles ne connaissent pas de limite d’âge. C’est notamment le cas des diverses formes de délinquance se rencontrant parmi les élites économiques et politiques.