Cette proposition vise à instituer pour les mineurs un « contrat de service en établissement d’insertion » comme modalité de la composition pénale, de l’ajournement du prononcé de la peine et comme obligation particulière d’un sursis avec mise à l’épreuve. Ce « contrat de service » consistera en fait à suivre une formation dispensée par un centre de formation d’un établissement public d’insertion de la défense (EPIDE), établissement crée par l’ordonnance du 2 août 2005 et placé sous la triple tutelle des ministères chargés de la Défense, de l’Emploi et de la Ville.



Ce contrat, auquel le mineur sera « astreint » sera prescrit pour une durée comprise entre quatre et six mois et devra cependant être conclu avec l’accord du mineur et des titulaires de l’autorité parentale. Le mineur pourra éventuellement, à sa demande et avec l’avis favorable de l’établissement d’accueil, le prolonger. Le contrat de volontariat devra être validé par le magistrat ou la juridiction au regard de son caractère formateur ; il ouvrira droit à une allocation mensuelle.



Observation préliminaire



Nous déplorons que l’exposé des motifs de la proposition persiste une nouvelle fois à présenter la délinquance des mineurs comme un phénomène en augmentation débridée alors que la part de la délinquance des mineurs dans la délinquance générale reste stable à 18 %. La préoccupation des professionnels tient plus à la difficulté de trouver des réponses diversifiées et individualisées pour quelques jeunes aux parcours particulièrement déstructurés que de faire face à des hausses exponentielles du nombre des mineurs délinquants.



Les réponses à la délinquance des mineurs doivent être recherchées dans un souci plus global des adolescents en dérive, dans la double dimension de la justice des mineurs concernant les enfants en danger et les mineurs délinquants.



La focalisation du discours politique et médiatique sur les mineurs délinquants aboutit à délaisser progressivement la question tout aussi préoccupante des adolescents et adolescentes se mettant en danger et en proie à des troubles psychiques. A cet égard, la pénurie de places de soins en hospitalisation comme en suivi ambulatoire pour répondre au mal–être des jeunes devrait tout autant retenir l’attention des responsables politiques.





Sur le fond





L’emploi de l’expression «contrat de service en établissement d’insertion » introduit une grande ambiguïté en faisant penser à un service militaire pour les jeunes de 16 ans. A ce titre, l’exposé des motifs de la proposition évoque les effets attendus d’ « une discipline stricte mais valorisante inspirée de la rigueur militaire. » Il s’agit en réalité de suivre un parcours de formation dans un établissement cherchant à faciliter l’insertion professionnelle.



L’ordonnance du 2 février 1945 permet déjà des placements des mineurs dans des établissements habilités. Les EPIDES pourraient s’insérer dans ce cadre par le biais de conventions signées entre le ministère de la justice et les autres ministères. La question qui se posera à l’avenir sera de manière cruciale celle du financement de ces places.



En effet, la composition pénale prévoit comme modalité « le suivi de façon régulière d’une scolarité ou d’une formation professionnelle », l’ajournement , « le placement dans un établissement public ou habilité à cet effet » et le sursis à mise à l’épreuve comprend dans les obligations de l’article 132-45 celle de « suivre un enseignement professionnel ».



Le juge des enfants peut prendre une décision de placement dans tout établissement « habilité » pendant toute la durée de la procédure.



Les juges des enfants ont d’ailleurs utilisé dans le passé des dispositifs JET (jeunes en équipes de travail) organisés par l’armée dans le cadre de placements extérieurs, et cette coopération a cessé à l’initiative du ministère de la Défense qui souhaitait se recentrer sur ses tâches essentielles.



Plutôt que de modifier une nouvelle fois l’ordonnance du 2 février 1945 qui devient illisible pour les professionnels à force d’être réécrite sans cesse, il y aurait lieu de s’interroger sur les budgets qui pourront être mobilisés à cet effet.



Certains mineurs sont attirés par le cadre militaire et une prise en charge d’insertion professionnelle pourrait sans doute leur convenir. Pour autant, il ne peut s’agir que d’une modalité parmi d’autres des « écoles de la deuxième chance », particulièrement utiles pour tous les adolescents en rupture avec l’école. Pourquoi donc réserver cette possibilité de « contrat de service en établissement d’insertion » aux seuls mineurs délinquants ?



Cependant cette solution ne peut être la panacée, et l’essentiel pour les professionnels de la justice des mineurs reste de pouvoir répondre de façon individualisée et rapide aux difficultés des mineurs. Il est à craindre que dans le contexte de rigueur budgétaire annoncé, des fonds soient engloutis dans un nouveau dispositif « vitrine » alors que sur le terrain, la principale difficulté réside dans l’absence d’éducateurs en milieu ouvert prêts à intervenir dès le début de la déscolarisation ou des difficultés d’exercice de l’autorité parentale.



Pour le Syndicat de la magistrature, la meilleure prévention de la délinquance des mineurs reste l’intervention des services et des magistrats en assistance éducative, toujours plus sacrifiée.