[Communiqué de presse] Proposition de loi Attal adoptée par l’Assemblée nationale : égarements majeurs face à la délinquance des mineur·es

Publié le Feb. 14, 2025

Le régime pénal applicable aux mineur·es repose sur une réalité intangible : les enfants sont des adultes en devenir. La loi actuelle en déduit à juste titre qu’ils doivent être éduqués plutôt que punis.

En créant des comparutions immédiates pour mineur·es, en alignant dans certains cas leur responsabilité pénale sur celle des majeur·es, et en sanctionnant les parents en difficulté dans leur mission éducative, la proposition de loi visant à "restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents" adoptée hier par l’Assemblée nationale est sur le point de bouleverser la justice des mineur·es dans ses équilibres.

Les raisons exposées au soutien de ce texte sont un concentré de poncifs et contre-vérités. En effet, les magistrat·es ne sont aucunement démuni·es pour lutter contre la délinquance de mineur·es prétendument de plus en plus jeunes, en manque d’autorité et glissant vers une violence « déchaînée, décomplexée, sans règle ». Il est déjà possible d’incarcérer un·e mineur·e suspecté·e de crime dès l’âge de 13 ans. Depuis 2021, le code de justice pénale des mineurs permet déjà de juger vite, par la voie d’une audience unique (1/3 des procédures) ; d’incarcérer un·e jeune à l’issue d’une garde à vue dans l’attente de son jugement. La punition des mineur·es rime d’ailleurs de plus en plus avec prison : le nombre de mineur·es détenu·es a bondi de 34 % en 3 ans alors que la délinquance des mineur·es, elle, n’augmente pas – elle aurait même tendance à décroitre.

En matière punitive, la justice est donc pour le moins armée. En revanche ses moyens indigents sont largement insuffisants pour prétendre identifier, comprendre et résoudre les problématiques profondes des jeunes qui auraient « coupé les ponts avec notre société et ses valeurs de respect », dépeints comme les « nouveaux monstres » par le législateur.

Cette réforme a été initiée en réponse au retentissement médiatique d’affaires criminelles d’une extrême gravité. Pourtant, elle viendra in fine durcir le traitement des délits de moindre gravité. Faut-il rappeler que la comparution immédiate a déjà mis à terre toute la chaîne pénale applicable aux personnes majeures, tout en ciblant majoritairement les jeunes des quartiers défavorisés ? Ce texte aura pour effet de viser les mêmes catégories de personnes, en plus jeunes, et leurs parents soi-disant « démissionnaires ».

Il conduira logiquement à une répression aux contours similaires : discriminatoire à l’égard des personnes racisées et vulnérables sur le plan socio-économique ; excessivement sévère envers ces dernières, le taux d’incarcération en comparution immédiate étant le plus élevé, tous modes de poursuite délictuelle confondus; le tout, pour une efficacité aucunement démontrée. Bref, une réforme inefficace contre la délinquance mais aux conséquences dévastatrices pour notre justice.

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