Plus de trois ans se sont écoulés depuis le coup d’État raté de juillet 2016 en Turquie.

Dès les premiers instants après la tentative de coup d'État, MEDEL a commencé à recevoir des nouvelles inquiétantes concernant l’arrestation de juges et de procureurs, sans la mise en place de garantie procédurale ou sans preuve venant au soutien de ces arrestations.

MEDEL a immédiatement réagit, indiquant qu'il était difficile de comprendre comment et pourquoi des juges et des procureurs remplissant leurs fonctions quotidiennes pouvaient être impliqués dans ces faits et devraient faire face à la détention en raison de leur liberté de jugement et d'opinion.

Depuis lors, la répression qui a frappé les juges et procureurs (ainsi que des avocats, des journalistes, des professeurs, des policiers, des parlementaires et plus de 100 000 fonctionnaires), tous accusés d'être affiliés à l'organisation terroriste tenue responsable, par le gouvernement turc en charge, de ce crime, a atteint une ampleur sans précédent.

Ce qui était difficile au début à comprendre est devenu clair : on se trouvait devant une campagne orchestrée et préméditée, avec pour objet la destruction de l’indépendance du système judiciaire en TURQUIE.

MEDEL a reçu de nombreux messages de collègues, de leurs proches et d'autres sources sur ce qui est arrivé aux juges et aux procureurs en Turquie, qui étaient des professionnels respectés et faisaient leur travail tout en partageant leurs opinions, expériences et engagements pour les valeurs de la démocratie, de l'état de droit et de l'indépendance du pouvoir judiciaire, avec des collègues européens et des associations professionnelles.

MEDEL estime que ces messages, qui décrivent directement ce qui est arrivé à des milliers de collègues, ainsi que les procédures adoptées et leurs conséquences, constituent une source d’information importante pour apprécier l’attaque contre le système judiciaire turc.

MEDEL estime également que ces messages, rassemblés sans commentaires ni changements (en dehors de leur anonymisation), constituent un témoignage impressionnant de l'incroyable accélération de la chute de l'état de droit en Turquie. En ce qui concerne leur publication, MEDEL a jugé approprié d’anonymiser les messages, pour des raisons de sécurité, à la demande des expéditeurs.

Une grande partie de ces messages contenait des notes contenant des commentaires très élaborées, visant à souligner l’illégalité des mesures adoptées « après coup d’état ». Et, à cette fin, ils citent des principes généraux ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne de droits de l'homme. Il était impossible de reproduire dans ce livret une grande partie du contenu des lettres. Quoi qu’il en soit, nous en citons quelques-unes pour montrer à quel point ces règles, ces principes étaient et sont enracinés parmi les avocats turcs, les juges turcs, les procureurs turcs. Ils représentent une langue maternelle commune (Koiné1) appartenant à chacun d’entre nous. Grâce à cette, collecte chacun peut disposer d’éléments pour évaluer l’éloignement des principes de légalité dans un pays avec lequel MEDEL a des relations d'amitié durables et un engagement commun en faveur des principes de l'État de droit.
Avec l’aide de nos associations membres, nous publions les lettres traduites dans de nombreuses langues.

MEDEL espère que la poursuite des témoignages sera un signe de solidarité et un engagement renouvelé envers les valeurs fondamentales de la justice en Europe.

Le combat qui est actuellement mené par des juges, procureurs et avocats libres et courageux en TURQUIE doit être vue comme le combat de tous ceux qui à travers le monde sont attachés aux valeurs de l’Etat de droit. C’est donc un combat commun, et pas uniquement un combat dans l’intérêt du peuple turc. Tant qu’il restera un seul juge ou procureur détenu à cause de son combat pour l’indépendance de la Justice, aucun autre magistrat en Europe ne pourra se sentir libre et indépendant.

Comme Murat Arslan l’a déclaré dans son discours de remerciement du Prix Vaclav Havel des Droits de l’homme « Je m’adresse à vous d’une prison d’un pays où le droit est mis entre parenthèses, où les valeurs de la démocratie s’éloignent progressivement, où les voix dissidentes sont étouffées, où les défenseurs du droit, les journalistes, ceux qui souhaitent la paix, ceux qui crient pour que les enfants ne meurent pas, sont décrétés terroristes, où la prison est le lieu naturel des défenseurs des droits et libertés (...) Le prix que nous payons sert, au contraire, à accroître notre croyance et notre envie de nous battre pour de beaux jours à venir en faveur des valeurs du droit et de la démocratie.” (...)
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Lettres des magistrats turcs  (1.35 MB) Voir la fiche du document