Le Syndicat de la magistrature a été entendu par la commission relative à l'irresponsabilité pénale, présidée par Dominique Raimbourg et installée par l'ancienne garde des Sceaux le 8 juin 2020. Vous trouverez [ici->http://www.syndicat-magistrature.org/IMG/pdf/observationsmissionirresponsabilitepenalepourcausedetroublemental.pdf] notre contribution écrite.


Nous avons commencé par exprimer de fortes inquiétudes tant au regard du contexte dans lequel cette mission a été lancée, lourd de sens, qu'à la lecture des termes de la lettre de mission axés sur une pénalisation renforcée de la maladie mentale. S'il peut être vu comme rassurant qu'une réflexion, et à cette occasion un bilan de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, aient été jugés nécessaires pour (re)appréhender ce sujet, essentiel et délicat, à la suite de deux propositions de loi déposées en réaction à "l'affaire Sarah Halimi", les expériences législatives passées - empreintes de "populisme pénal" - nous font toutefois craindre le pire.


Le Syndicat a conscience que l'irresponsabilité psychiatrique comme premier rempart aux mauvais traitements judiciaires n'est plus dans l'air du temps et que la psychiatrie publique, redevenue un soin médicalisé par la contrainte, et souvent la contention, connaît une crise de son "éthique soignante", mais nous avons réaffirmé notre conception de l'individu malade mental, auteur d'infraction ou non, à savoir celle d'une personne vulnérable comme les autres. Nous avons rappelé devant cette commission que ne pas appliquer le droit de punir à une personne qui a agi sous l'emprise d'une force qui la dépasse et lui cause le plus souvent souffrance et exclusion sociale nous semblait une évidence.


Au-delà des questions philosophiques que soulève cette matière, que nous avons volontairement abordées devant la commission tant la dimension sécuritaire de l'irresponsabilité pénale est une nouvelle fois convoquée, nous avons du reste joué le jeu de cette commande politique. Concernant la constatation du trouble mental délimité par l'article 122-1 du code pénal, nous avons posé un regard très critique sur la notion de dangerosité, tant dans sa conception que dans son usage au pénal, sans mettre de côté la question des évaluations par les experts et les magistrats, tout en interrogeant les correctifs possibles pour limiter la tendance à la responsabilisation des malades mentaux. A cet égard par exemple, nous avons proposé une modification de la rédaction de l’article 122-1 pour y inclure les questions de l’accessibilité à la sanction et de l’accessibilité aux soins, afin que la personne malade ne soit pas appréhendée à partir de l’une de ses caractéristiques, telle la dangerosité, mais selon une approche globale consistant à la replacer dans son contexte de vie. Concernant la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale encadrée par les articles 706-119 et suivants du code de procédure pénale, nous avons réaffirmé les raisons de notre opposition à toute forme de procès des malades mentaux et de notre rejet des mesures de sûreté.