Début septembre 2009, lorsque le {« comité de réflexion sur la
justice pénale »} présidé par Philippe Léger a remis à Michèle
Alliot-Marie son rapport définitif (et définitivement mauvais),
l’embarras de la Chancellerie était perceptible : il allait falloir travailler
dur...

Six mois plus tard, le 2 mars dernier, la garde des Sceaux a rendu public
son « avant-projet du futur code de procédure pénale », document de
225 pages censé « refonder notre procédure pénale »… sur des sables
mouvants.

Tout a été dit sur la composition éminemment partisane du comité
Léger, l’extrême faiblesse de ses analyses, le discours surréaliste du
chef de l’Etat devant la Cour de cassation, la quasi-clandestinité des
« groupes de travail » constitués autour de la ministre de la Justice,
ses promesses de dialogue non tenues, son refus obstiné d’aborder la
question cruciale du statut du parquet, son incapacité à tenir compte
des vives protestations émanant de l’ensemble du monde judiciaire ou
encore ses vaines tentatives de diversion sur le terrain de la déontologie
des magistrats.

Dans quelques jours, la prétendue « concertation » lancée par Michèle
Alliot-Marie prendra fin, dans un contexte on ne peut moins favorable à la
Chancellerie. Les trois syndicats de magistrats, le Syndicat des avocats
de France et l’Association française des magistrats instructeurs ont
quitté la table - nettement bancale - des négociations, les motions de
défiance fleurissent dans les juridictions (jusqu’à la Cour de cassation !),
Maître Henri Leclerc a claqué la porte de l’équipe « technique » chargée
d’épauler la ministre, le Président de la République et le Premier ministre
ont pris leurs distances avec ce dossier politiquement sensible, la
perplexité voire le désir de dissidence se font de plus en plus sentir
dans les rangs de la majorité et le calendrier annoncé paraît de moins
en moins tenable.

Il serait tentant de s’en contenter, mais l’enjeu est trop important. Au-delà
de la dénonciation de la « méthode » et des présupposés de cet avant-projet qui en ont vicié l’architecture, nous avons souhaité nous livrer à
une analyse minutieuse du texte, conscients que le diable gît toujours dans les détails… Nous avons ainsi pu prendre la mesure des errements
de la Chancellerie. Inconséquences, incohérences, déséquilibres, oublis,
imprécisions, discrets reculs, graves régressions, fausses avancées,
demi-mesures, insuffisances, tout y est !

Fondamentalement, la justice pénale qui se dessine en transparence
de cet avant-projet est très éloignée de la « modernité » affichée par
Michèle Alliot-Marie.

Sur le site internet du gouvernement, il est affirmé que ce texte :

• {« consacre une véritable séparation entre l’autorité d’enquête et la
fonction de contrôle de l’enquête »} ;

« favorise une réelle égalité entre tous les citoyens » ;

• {« garantit l’effectivité d’une procédure contradictoire pour l’ensemble
des enquêtes »} ;

• {« modernise le régime de la garde à vue pour mieux garantir les droits
de la défense »} ;

« garantit à l’enquête pénale toute son efficacité ».

« Et si c’était faux ? »

, comme le dirait le porte-parole du ministère de
la Justice. Nous avons recensé les 100 principales dispositions qui
nous en ont convaincus. La confusion des rôles, l’inégalité des armes,
la dimension purement formelle des garanties prévues caractérisent
le système imaginé à la hâte par la Chancellerie, qui s’apparente au
surplus à une usine à gaz dont le fonctionnement serait difficile à
comprendre pour les justiciables.

Le présent document constitue en quelque sorte un guide de lecture
critique de « l’oeuvre » ministérielle, dont nous contestons toujours les
fondements mêmes. Il n’a pas vocation à rappeler les propositions
précises dont le Syndicat de la magistrature est par ailleurs porteur
et qui sont connues depuis longtemps. Il serait en effet incongru
de présenter un projet idéal en cette période si peu propice à la
réinvention véritable de notre justice pénale… Quant à nos suggestions
d’amendements, nous les formulerons le cas échéant au Parlement,
lieu privilégié de l’élaboration de la loi en démocratie.

En tout cas, il n’est pas douteux que si la Chancellerie avait entrepris
un travail sérieux, éclairé par des opinions diverses, à l’instar de la
commission présidée par Mireille Delmas-Marty en 1990, le résultat
aurait été d’une autre qualité...}}

(Pour lire la suite, ouvrir le document PDF ci-joint)