Audition au Sénat sur la proposition de loi visant à modifier la définition du viol et des agressions sexuelles
Publié le 17 juin 2025
Depuis la mission d’information sur la définition du viol, qui a rendu son rapport le 21 janvier 2025 et dans le cadre de laquelle nous avions formulé des observations écrites, le bureau du Syndicat de la magistrature a été entendu à plusieurs reprises concernant deux propositions de loi visant notamment à modifier la rédaction de l’article 222-22 du code pénal.
Si la première, mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, n’a pas été votée, la deuxième a été adoptée en première lecture le 1er avril et sera discutée en séance publique au Sénat le 18 juin 2025.
Nous avons soutenu que si la définition présentée au Sénat, qui ne se borne pas à substituer la notion de consentement à celles de violence, menace, contrainte et surprise, n’aurait pas pour effet de corriger les biais sexistes des magistrat.es qui en sont empreints, ni de mettre fin aux difficultés probatoires inhérentes au contentieux, elle serait néanmoins de nature à mieux guider les professionnel.les dans leur travail de qualification et à renforcer la valeur expressive de la définition du viol.
Plus précisément, lors de notre audition du 3 juin, nous avons ainsi livré notre analyse de la dernière version du texte à la Commission des lois du Sénat, qui définit le viol de la façon suivante :
« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.
Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances environnantes. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime.
Il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature (…) ».
Cette rédaction s’aligne quasi intégralement sur les propositions faites par le Conseil d’Etat dans son avis du 11 mars 2025.
Après avoir brossé un tableau succinct des principaux freins à l’action judiciaire en matière d’agression sexuelle et de viol, nous nous sommes attachées à analyser le rôle que pourrait avoir la définition légale du viol dans les dysfonctionnements institutionnels. Nous avons ensuite livré nos observations s’agissant de l’utilisation de la notion de non-consentement par le législateur.
Plus particulièrement, nous nous sommes attachées à répondre à la critique selon laquelle l’intégration de cette notion aurait pour effet d’aggraver la focalisation des débats judiciaires sur le comportement de la plaignante, plutôt que de se concentrer sur l’attitude de la personne mise en cause.
Cette question entre en effet en résonance avec la récente condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme. Dans un long arrêt important du 24 avril 2025, cette dernière a notamment fustigé « les stéréotypes de genre adoptés par la chambre de l’instruction de la cour d’appel » et reconnu qu’une des requérantes avait été confrontée « à des propos culpabilisants, moralisateurs et véhiculant des stéréotypes sexistes propres à décourager la confiance des victimes dans la justice ».
Enfin, nous nous sommes concentrées plus en détails sur la rédaction proposée au Sénat.
Vous trouverez ci-dessous nos réponses écrites au questionnaire de la commission des lois.