Nous avons produit des observations devant la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur la « réglementation et l’impact des différents usages de cannabis ».
Nous y développons une description critique des politiques pénales mises en oeuvre concernant l’usage de cannabis, et la replaçons dans une analyse plus globale des politiques publiques en matière de drogues. Nous y dénonçons une fois de plus la dernière nouveauté que constitue, dans la loi de programmation du 23 mars 2019, l'application de l’amende forfaitaire délictuelle à l’usage de stupéfiants mise en oeuvre depuis le mois de septembre 2020 : elle vient parachever une évolution progressive donnant la priorité à des procédures simplifiées permettant le prononcé de peines d’amende, figurant au casier judiciaire, au détriment de toute individualisation de la peine. Cette évolution vient renforcer l’écartèlement de la politique publique entre divers acteurs ayant leurs logiques propres, contradictoires entre elles, celle du ministre de l’Intérieur étant principalement statistique : le nombre d’affaires d’usage de stupéfiants constitue par la même occasion un nombre d’affaires élucidées, permettant de présenter des statistiques flatteuses, ce qui encourage la multiplication des interpellations en la matière sans effet sur les dommages sanitaires et sociaux causés par les drogues.
Ces observations et nos propositions sont nourries par la participation du Syndicat de la magistrature au "collectif pour une nouvelle politique des drogues", aux côtés d’associations de personnel du médico-social oeuvrant dans le champ de la prise en charge des addictions et de la réduction des risques, d’associations d’usagers, du Syndicat des avocats de France, d’associations de défense des droits. Il nous apparaît en effet que ce sont les échanges pluridisciplinaires qui permettront de construire une politique publique cohérente en matière de drogues, dont nous dressons dans cette note quelques perspectives. Le Syndicat de la magistrature multiplie ces échanges, comme ces dernières semaines lors d’une intervention à un séminaire organisé par le Conservatoire national des arts et des métiers (Drogues : entre licite et illicite), et à un webinaire organisé par l’association Opellia (association de prévention et de soin en addictologie).
Cette mission d’information fait suite à de nombreux autres rapports parlementaires (rapport du Sénat en 2003, mission parlementaire d’information sur les toxicomanies en 2011, rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée Nationale en 2014, rapport d’information sur l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants du 25 janvier 2018), qui concluaient tous à la nécessité d’une évolution de la législation pénale. Il existe ainsi un hiatus entre les travaux parlementaires, nourris par les regards des différents acteurs du champ des drogues, et le discours politique tenu ces dernières semaines encore par le gouvernement, selon lequel une répression accrue des usagers permettra d’éradiquer la demande de drogues, et par voie de conséquence le trafic et la criminalité associée.