3. Un positionnement résolument anti-corporatiste

Publié le July 27, 2020

L’accusation de corporatisme est souvent brandie pour contester toute expression critique dans la magistrature. S’il est fondamental de refuser cet étiquetage commode et de faire entendre avec force les protestations légitimes qui émanent du corps judiciaire, il est également nécessaire de ne pas taire les dysfonctionnements réels de notre institution. Il ne s’agit pas seulement de se mettre à l’abri d’un reproche facile, mais de revendiquer la justice pour la Justice.

Au risque de déplaire, le Syndicat de la magistrature a toujours assumé cette exigence de dénonciation responsable des dérives judiciaires qui nuisent à la justice et à la cohésion sociale. Cet anti-corporatisme se situe à l’opposé d’une conception du syndicalisme fondée sur un déni aussi illégitime qu’inefficace de la faillibilité du système et de ses acteurs. La mission d’un syndicat de magistrats est aussi de rappeler que la justice est rendue « au nom du peuple français » et qu’à ce titre, elle n’est pas à l’abri de la critique.

Cette liberté de critique a valu au SM d’être poursuivi pour discrédit jeté sur une décision de justice en raison d’un communiqué qui critiquait la décision d’une cour d’appel refusant la prise en charge d’un mineur isolé étranger. La relaxe s’imposait et la motivation du jugement du 23 novembre 2016 est exemplaire : « le Syndicat de la magistrature a vocation, en tant que syndicat de magistrats, à défendre non seulement les droits individuels et collectifs de ces professionnels, mais également l’institution judiciaire, cette défense ne pouvant toutefois signifier, sauf à lui faire perdre toute substance et tout intérêt, une approbation inconditionnelle de l’ensemble des actes et décisions de nature juridictionnelle ou la soumission dudit syndicat à un devoir de réserve similaire à celui exigé des magistrats pris individuellement ».

Au delà, le SM n’a pas peur du regard extérieur sur la justice. Il a été la seule organisation syndicale de magistrats favorable à ce que ces derniers déclarent, tout comme les juges administratifs et financiers, leurs intérêts susceptibles de faire naître un conflit dans l’exercice de leurs fonctions. Le syndicat est attentif en revanche à ce que cette obligation déontologique ne constitue pas un obstacle à l’engagement des professionnels de justice dans la vie de la cité. Refusant l’entre-soi, il est favorable à une majorité de non magistrats au Conseil supérieur de la magistrature et milite pour des conseils de juridiction ouverts.

Focus : La nécessaire réforme du Conseil supérieur de la magistrature et de la Commission d’avancement

Le Syndicat de la magistrature défend, dans l’intérêt de tous, un Conseil supérieur de la magistrature pluraliste, démocratique et doté de pouvoirs étendus qui doit être le seul garant de l’indépendance des magistrats. Sa composition et les modalités de désignation de ses membres doivent le mettre à l’abri des pressions, quelles qu’elles soient. Le SM s’est toujours battu pour que le CSM soit composé d’une majorité de personnalités extérieures et pour que celles-ci ne soient plus nommées par le pouvoir politique. Il milite également pour que les membres magistrats soient élus par un collège unique au scrutin direct et à la proportionnelle, seul moyen d’assurer une représentation pluraliste du corps et de supprimer le poids de la hiérarchie dans cette instance.
La garantie de l’indépendance impose le renforcement des pouvoirs d’un CSM rénové, gérant la carrière de l’ensemble des magistrats et auquel l’Inspection sera rattachée pour la matière disciplinaire. Le SM se heurte à des obstacles politiques majeurs qui empêchent l’avènement d’une réforme constitutionnelle, même réduite à l’alignement des conditions de nomination et de discipline.
Ses élus ont obtenu au sein du CSM une plus grande transparence dans la nomination de la haute hiérarchie du siège et du parquet afin que cette instance puisse exercer réellement son pouvoir d’appréciation et les magistrats leur légitime droit de recours.
Malgré un scrutin inique favorisant le fait majoritaire, le Syndicat de la magistrature a des représentants à la Commission d’avancement qui statue sur les recrutements hors concours, les inscriptions au tableau d’avancement et les recours contre les évaluations. Pour assurer le pluralisme, il milite pour un scrutin national et direct à la proportionnelle et une réduction de la place de la hiérarchie. Au sein de la commission, ses élus agissent pour favoriser un recrutement hors concours transparent, égalitaire et ouvert, une inscription automatique au tableau d’avancement à défaut de grade unique et une évaluation au service de la qualité de la justice qui devrait, à terme, être confiée à des évaluateurs indépendants rattachés au CSM.