Amende forfaitaire délictuelle : colloque SAF-SM-LDH

Publié le Oct. 14, 2022

Face à une crise endémique de la justice qui atteint actuellement son paroxysme, l’un des mantras gouvernementaux est la simplification de la procédure pénale avec notamment l’extension incessante du domaine de l’amende délictuelle forfaitaire (AFD).

Créée en 2016 selon le modèle de l’amende contraventionnelle forfaitaire (premier prototype d’une pénalisation automatique), cette procédure donne le pouvoir aux forces de sécurité d’infliger immédiatement une amende en utilisant un procès-verbal électronique.

Selon ses promoteurs, elle permettrait de donner une réponse pénale, « plus systématique » rapide, simple et efficace en éludant le juge « dont l’intervention n’apparait pas possible » tout en préservant le droit au recours effectif » (sic).

Or, les implications réelles tant théoriques que pratiques de l’AFD ont rarement été questionnées et restent dans l’ombre. C’est pour les dévoiler qu’est organisé ce colloque qui réunira des approches juridiques et sociologiques avec des illustrations concrètes, concernant notamment l'application de l’AFD aux Gens du voyage et à l’usage de stupéfiants.

Que dissimule l’AFD ? : la privation du droit à un procès équitable et la brutalité d’une peine financière délictuelle automatique ciblant les plus humbles. Elle se traduit aussi par le renforcement des pouvoirs des agents verbalisateurs et instaure une inversion redoutable d’un pilier de la procédure pénale : la présomption d'innocence cède place à une présomption de culpabilité inédite car la contestation de l'AFD est entravée par une complexité procédurale difficilement surmontable, associée au préalable obligatoire de la consignation et à l’absence de notification de l’intégralité du procès- verbal de constat du délit.

En définitive l’AFD constitue une condamnation correctionnelle non individualisée, sans contact humain, sans recours effectif à un juge et sans accès aux droits de la défense.

Selon les propos du président de la République lui-même, il s’agit de toucher au portefeuille « là où ça fait vraiment mal ». Les populations les plus vulnérables sont cependant les plus concernées.

Et que l’on ne prétende pas qu’il s’agit d’une transaction à l’image de la "convention judiciaire d'intérêt public» (CJIP) visant des délits de riches (façon MacDo) : la CJIP est associée à une garantie forte des droits des sociétés concernées alors que l'AFD des pauvres se heurte à une insuffisance de garanties.

Ainsi, cette AFD porte atteinte au principe fondamental d’égalité devant la justice.

On doit, en outre, déplorer la méconnaissance des impacts réels sur les agents publics concernés. Les fonctionnaires des finances devront en effet faire face aux demandes de dégrèvements qui, nécessairement, se multiplieront. Par ailleurs, ils deviendront les derniers arbitres d’un processus pénal qui touche la population précaire.

Quant aux impacts sur les magistrats, l’analyse ne peut se limiter à l’éventuelle baisse de leur activité. En effet, l’AFD contribue à la dénaturation du sens du métier de magistrat transformé en simple instrument de gestion de flux pénaux au détriment d’une indispensable réflexion intégrant la complexité de la réponse pénale.

L’extension de l’AFD doit être combattue car elle produira une explosion statistique des condamnations donnant satisfaction aux "sécuritaires", sans individualisation de la réponse pénale, la privant ainsi de son efficacité sociale ; tout au contraire, la multiplication des peines financières automatiques ne peut que contribuer à nourrir le ressentiment face à une telle injustice et nuire à la paix sociale.

C'est l'ensemble des questions sus évoquées, et bien d’autres encore, que la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature souhaitent mettre en exergue au cours de ce colloque dans une perspective critique, espérant ainsi contribuer à une réflexion de fond intégrant nécessairement la complexité de la réponse pénale.

Télécharger Programme journée 14 oct 2022 AFD