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Documents et résolutions issus des congrès du Syndicat de la magistrature

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{{{ {{Motion pour un ministère public indépendant et rénové
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Le ministère public français traverse aujourd’hui une profonde crise d’identité qui se résume dans le paradoxe suivant : alors que ses pouvoirs ne cessent de s’accroître, son statut est de plus en plus fragile et son autonomie de plus en plus précaire.

Le ministère de la justice n’a désormais plus aucune réticence à promouvoir ses affidés aux postes essentiels et à dicter, en dehors de tout cadre légal, des instructions individuelles officieuses à des procureurs généraux et des procureurs de la République qui n’ignorent pas que leur carrière dépendra de leur obéissance.

Au sein même des parquets, l’absence de toute définition du rôle et du statut des substituts, vice-procureurs et procureurs adjoints joue à plein en faveur d’une neutralisation de ces magistrats dans le traitement des affaires sensibles au profit de leur hiérarchie et, in fine, du pouvoir exécutif.

Dans ce contexte, les magistrats du parquet qui tentent d’exercer pleinement les attributions qu’ils tiennent de la loi sont couramment rappelés à l’ordre, voire mis à l’écart.

Prenant acte de cette évolution, la Cour européenne des droits de l’Homme a récemment dénié au parquet français le caractère d’autorité judiciaire.

Cette singularité française est patente au regard des autres systèmes européens, qui ont opté soit pour un parquet puissant mais davantage indépendant, soit pour un parquet subordonné mais aux pouvoirs restreints.

Le Syndicat de la Magistrature, réuni en congrès :

- réaffirme son attachement au principe d’impartialité du ministère public dont l’indépendance doit être garantie à l’égard du pouvoir exécutif ;

- affirme son attachement à l’unité de la magistrature ;

- revendique un alignement complet du mode de nomination des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, dans le cadre d’un CSM rénové dans sa composition, son fonctionnement et ses prérogatives, tel que le demande le Syndicat de la Magistrature depuis de nombreuses années ;

- rappelle que l’engagement de l’action publique appartient à chaque magistrat du parquet et qu’elle doit faire l’objet de véritables garanties dans le cadre d’une réforme du Code de l’organisation judiciaire.



Le 7 janvier 2009, devant la Cour de cassation, le chef de l’Etat n’a pas seulement annoncé la suppression du juge d’instruction huit mois avant le dépôt du rapport Léger, il a aussi exprimé son « souci » de rééquilibrer la procédure pénale en instaurant un « véritable habeas corpus à la française ».

Le Syndicat de la magistrature n’a pas attendu de telles déclarations d’intention pour proposer, notamment devant la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, un socle de garanties propre à offrir à la défense de véritables moyens de contrôle et d’expression. En effet, au-delà de la question déjà essentielle de l’indépendance de l’autorité d’enquête, la mise en œuvre d’une égalité des armes effective tout au long du processus pénal apparaît cruciale.

Il est évident que l’architecture actuelle de la procédure pénale n’attribue à la défense que des droits en trompe-l’œil. L’absence de contradictoire dans les enquêtes préliminaires ou de flagrance et l’intervention extrêmement limitée de l’avocat en garde à vue en sont les manifestations les plus significatives. Le Président de la République semble lui-même partager ce point de vue lorsqu’il déclare qu’il « ne faut pas craindre la présence des avocats dès les premiers moments de la procédure » car elle constitue « une garantie pour leurs clients ainsi que pour les enquêteurs qui ont tout à gagner d’un processus consacré par le principe contradictoire »…

A cet égard, s’il s’agit de « construire la procédure pénale digne de notre siècle », il n’est pas possible de se contenter des demi-mesures suggérées par le comité Léger.

En préalable, il est indispensable d’assurer un véritable accès à la défense pour tous, première condition du procès équitable. Le Syndicat de la magistrature persiste donc à revendiquer :

• une extension des critères d’obtention de l’aide juridictionnelle ; • une augmentation substantielle de la rémunération des avocats intervenant dans ce cadre ; • à terme, la création de services d’avocats de défense sociale dont la rétribution serait garantie par l’Etat.

S’agissant de la garde à vue, devenue un « instrument banal de procédure » selon l’aveu récent du Premier ministre, le Syndicat de la magistrature qui ne cessera de dénoncer l’usage abusif de cette mesure, exige de longue date :

• le rétablissement de l’information systématique, en début de mesure, relative au droit de garder le silence en début de mesure ; • la généralisation de l’enregistrement audiovisuel des auditions ; • la présence de l’avocat au cours des interrogatoires, dès la première heure ; • le droit d’accès à l’intégralité du dossier de la procédure pour l’avocat (et non seulement aux procès-verbaux d’auditions de son client) ; • la suppression des régimes dérogatoires, à l’exclusion des dispositions protectrices des mineurs ; • la présentation systématique de la personne mise en cause lors des prolongations de garde à vue, en présence de son avocat.

De telles avancées sont d’autant plus nécessaires que, comme l’a rappelé avec emphase le chef de l’Etat, « nous ne pouvons faire comme si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme n’existait pas ». Par deux arrêts récents (Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008 et Danayan c. Turquie du 13 octobre 2009), la Cour de Strasbourg a en effet rappelé que toute personne retenue par la police doit pouvoir bénéficier d’une défense effective dès le début de sa privation de liberté. Les termes de l’arrêt Danayan sont sans ambiguïté : « L’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer » .

La situation française est d’autant moins acceptable que les droits de la défense sont à ce jour inexistants au cours des enquêtes menées sous la direction du parquet : impossibilité d’accéder au dossier (sous réserve du bon vouloir d’un procureur en quête de respectabilité…), absence de procédure de demandes d’actes et de voies de recours, contrairement à ce qui prévaut en matière d’instruction préparatoire.

Le Syndicat de la magistrature, réuni en congrès, :

• revendique, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale en cours d’élaboration, un renforcement radical des droits de la défense pour parvenir à une véritable égalité des armes ; • appelle l’ensemble des magistrats à tirer toutes les conséquences de la jurisprudence de la CEDH sur la régularité des gardes à vue.



Depuis plusieurs années, le service public est gravement menacé par une réforme de l’Etat qui, sous couvert de « réformes » a pour seul objectif de réduire la voilure de l’administration française sans égard pour le service rendu à l’usager.

Aucun secteur de l’administration n’est à l’abri de cette lame de fond. Tous les services publics doivent être « rentables », « concurrentiels », « économes mais efficaces » sous peine d’être supprimés.

Depuis deux ans, la révision générale des politiques publiques (RGPP), bras armé de cette prétendue modernisation, s’organise dans une totale opacité, sans concertation ni débat public.

La justice n’est bien sûr pas épargnée par cette nouvelle conception managériale de l’Etat. Au mépris du principe d’indépendance, les moyens qui lui sont alloués sont fonction de « performances » arbitrairement définies, de capacités à gérer des « flux » et non des situations humaines.

La réforme de la carte judiciaire, le développement autoritaire de la visioconférence, la volonté de « recentrer » le juge sur sa mission de « dire le droit » en négligeant sa fonction sociale, sont les symptômes les plus inquiétants de la RGPP appliquée à la Justice.

En parallèle l’indépendance de la justice est particulièrement malmenée par un « management » autoritaire orchestrée par la hiérarchie judiciaire qui dispose de pouvoirs exorbitants en terme d’organisation des juridictions. C’est ainsi que des stratégies d’évitement du juge naturel se multiplient et que sous couvert de réorganisation, on déplace les magistrats qui dérangent ou on soustrait les dossiers sensibles à leur examen.

Avant d’être une institution, avec son organisation, sa gestion et son administration, la justice est une valeur précieuse en démocratie sur laquelle la « rationalité managériale » ne saurait prendre le pas.

Le Syndicat de la magistrature réuni en congrès :

- rappelle son attachement sans faille à la mission de régulation sociale de la justice qui suppose un accès direct au juge, garantissant l’égalité des justiciables devant la loi ;

- rappelle que l’institution judiciaire doit être dotée du budget et des personnels nécessaires à son fonctionnement au service de tous et s’oppose à la poursuite d’une politique qui a pour seul objectif de réduire ses moyens ;

- rappelle sa revendication d’une réforme du CSM tant dans sa composition que dans ses pouvoirs, lesquels doivent porter sur l’ensemble des nominations des magistrats, le fonctionnement des juridictions et es budgets qui leurs sont alloués en s’appuyant sur un corps d’inspecteurs qui lui soit rattaché ;

- rappelle sa revendication d’une désignation démocratique des chefs de juridictions ;

- revendique, à l’instar du statut des juges d’instruction, juges des enfants, présidents de chambre d’instruction... la nomination par décret des magistrats spécialisés tels que JLD, présidents des assises...pour créer la protection statutaire qui leur fait défaut ;

- revendique la mise en place de mécanismes démocratiques au sein des juridictions pour assurer au justiciable l’accès à son juge naturel, notamment dans l’élaboration de l’ordonnance de roulement qui doit être adoptée sur proposition de la commission restreinte et après avis conforme de l’assemblée générale ;

- revendique la participation du CSM à la préparation comme à l’exécution du budget de la justice sur lesquelles il rendra des avis publics ;

revendique, au niveau local, une élaboration et une exécution démocratiques du budget des juridictions en prévoyant la participation de magistrats et fonctionnaires élus au processus décisionnel (formulation des demandes budgétaires, répartition des dotations entre juridictions d’un même ressort de cour d’appel, examen de l’exécution). Dans cette perspective, les propositions budgétaires devront s’appuyer sur des projets de juridictions définis en assemblée générale ;

- s’oppose, à cet égard, à la création des plates formes inter-régionales qui répondent aux seuls objectifs de concentration des pouvoirs et d’économie d’emplois publics sans considération de la qualité du service rendu aux justiciables ;

- propose la création d’une conférence régionale des politiques judiciaires ouverte à la société civile et permettant des échanges entres les administrations du ministère de la Justice.