Les entretiens de Vendôme : la place Vendôme parle à la place Vendôme...

Il aura fallu les manifestations et grèves de fin 2000 et début 2001 de l'ensemble du corps judiciaire successivement, avocats, greffiers et magistrats, et notamment celle du 9 mars pour que le ministère de la justice prenne enfin conscience de l'ampleur et du bien-fondé du mécontentement des acteurs de l'institution judiciaire, et accepte, en réponse à la demande formulée notamment par le Syndicat de la magistrature d'organiser des États Généraux de la justice, une vaste consultation nationale, visant à redéfinir les missions de la justice, ainsi que les méthodes de travail utiles à l'exercice de ses missions. La ministre les intitula, à fort juste titre, on le verra «Entretiens de Vendôme».

L'enchantement fut cependant de courte durée: Si l'objectif desdits «Entretiens de Vendôme» visait bien à améliorer le fonctionnement d'une institution reconnue en déshérence, et de lui permettre de remplir les missions qui lui incombent dans un État de droit, l'annonce par la chancellerie du délai imparti pour sa mise en œuvre en sonnait clairement le glas: deux mois! Deux mois pour organiser la consultation de l'ensemble du corps judiciaire, de ses partenaires, ainsi que des citoyens, concernés, tant en qualité de justiciables que de contribuables, deux mois pour instaurer échanges et dialogue tant au sein des juridictions qu'en direction de la société civile! Les États généraux de la justice étaient dores et déjà formatés aux rythmes productivistes qu'ils devaient, entre autres, dénoncer comme exclusifs de toute justice de qualité. C'était en outre signer le peu de considération porté à l'ensemble des acteurs de la justice par un appel des véritables enjeux: les échéances électorales.

Le déroulement de l'ensemble de l'opération n'a pas dérogé au peu de sérieux dès lors prévisible: Élaborée dans la précipitation, tardivement communiquée aux juridictions, canalisée autour de questions circonscrites aux thèmes chers à la chancellerie, parfois refusée, souvent limitée ou bâclée, ou au contraire utilisée comme faire-valoir - quelquefois cependant expression de qualité, de toutes façons l'œuvre des chefs de juridiction; enfin synthétisée de manière unilatérale, hors instance nationale par l'Inspection des services Judiciaires, pour être au final «peaufinée» par la chancellerie, l'opération apparaît étrangement conforme à sa dénomination: Des entretiens de Vendôme... fabriqués Place Vendôme, formatés par la Place Vendôme, recalibrés par la Place Vendôme. En clair: des entretiens de Vendôme...

J'essaime - N° 4 - Mai 2002 (124.2 KB) Voir la fiche du document