Pour une autre justice, mobilisons-nous !

La justice est au coeur de nombreux débats de société. Mise en cause systématiquement pour son absence d'efficacité, il faut qu'elle affiche des résultats : répondre à tout acte de délinquance ou d'incivilité, prononcer toujours plus de condamnations, toujours plus de jugements... Le discours officiel ignore ainsi les considérables « gains de productivité » réalisés par la justice face à une augmentation exponentielle de son activité depuis des décennies. Il néglige tout autant la réelle efficacité que devrait avoir l'institution judiciaire : apaiser les conflits et permettre la réinsertion, efficacité qui n'est évidemment pas quantifiable à court terme.

Parallèlement, le gouvernement et les parlementaires font des faits divers, surexploités par les médias, un nouveau champ de réforme du droit. Un libéré conditionnel récidive, un acte de délinquance sexuelle est commis... autant de prétextes pour modifier la loi de manière pulsionnelle et sans réflexion.

Réagissant de manière compassionnelle et démagogique, nos dirigeants utilisent la justice, sujet électoralement porteur, à des fins politiques et idéologiques. Ils réinventent ainsi des problématiques récurrentes telles que l'inexécution des peines et la récidive, se fondant sur l'irrationnel et niant les données objectives qui pourraient mettre à mal leur projet.

La justice est ainsi prise entre de prétendus impératifs de gestion niant son caractère de service public et une exploitation démagogique : l'extension des compétences des juges de proximité et la proposition de loi sur la récidive sont emblématiques de cette politique. Sous prétexte de lutter contre la récidive, la proposition de loi crée les conditions de l'accroissement d'une surpopulation carcérale aux effets désastreux. Le placement sous surveillance électronique mobile confirme l'extension des dispositifs punitifs et de contrôle social.

Sous prétexte de favoriser une justice de proximité, les pouvoirs de juges aux compétences professionnelles souvent limitées sont accrus. Leur recrutement et leur statut ne garantissent pas leur impartialité. Cette justice ne permettra pas de garantir un équilibre entre des parties inégales au procès et de lutter contre les exclusions. Les juges de proximité marquent un retour au système des notables, juges de paix, supprimés par les fondateurs de la Ve République. Ils seront aussi éloignés que leurs prédécesseurs des justiciables défavorisés.

(Extrait de l'éditorial)