Cinq années se sont écoulées depuis l’édition de notre projet pour la justice dans le cadre des élections présidentielles de 2012. Cinq ans que le Syndicat de la magistrature appelle à une révolution judiciaire par des changements radicaux qui permettront à la justice de jouer pleinement son rôle dans l’édifice démocratique. Pour rétablir l’égalité et protéger les libertés.
La révolution n’a pas eu lieu.

 

Pour une révolution judiciaire

 

Cette législature aura été une occasion manquée de libérer la justice de la mainmise du pouvoir politique. Celui-ci ne parvient pas à   renoncer de manière définitive à la tentation d’interférer dans le cours de la justice par le biais notamment des nominations. En ne brisant pas ce lien, les élus se ménagent la possibilité de contester la légitimité de l’autorité judiciaire. Le déséquilibre institutionnel perdure, induit par des considérations politiques à courte vue.
Le projet Justice du 21è siècle, présenté comme celui qui devait refonder entièrement l’organisation judiciaire, a certes accouché de quelques avancées, principalement sur le plan de la participation des citoyens au fonctionnement de la justice, à travers les conseils de juridiction et projets de juridiction. Mais tout reste à faire en matière de lisibilité et d’accessibilité à la justice, de clarté et d’objectivité dans les critères de répartition des affaires entre les magistrats, de démocratie interne pour le choix des priorités définies dans les juridictions. Malgré des efforts, les recrutements de personnels de justice sont demeurés insuffisants au regard des besoins d’une institution en sous-effectif chronique. Le service public de la justice continue à maltraiter les justiciables et les professionnels qui y concourent.
La réponse au terrorisme qui a marqué la période a été le linceul de notre projet de reconquête des libertés et de l’égalité. Des pouvoirs exorbitants ont été confiés aux préfets et au ministère de l’Intérieur sans contrôle du juge judiciaire statutairement indépendant, renversant la logique qui doit présider aux restrictions des libertés : elles interviennent de manière préventive, en fonction d’une dangerosité potentielle et évaluée sans débat contradictoire. Exit, au contraire, les nécessaires réformes qui devaient par exemple faire cesser les contrôles d’identité discriminatoires et réduire le fichage.
Ce recul des libertés, qui affecte davantage certains, affaiblit l’État de droit, pourtant seul véritable rempart d’une démocratie. Il exacerbe un climat destructeur pour la cohésion de la collectivité et la solidarité. Car sur le terrain de l’égalité non plus, la révolution judiciaire n’a pas eu lieu. Expéditive pour les délits de droit commun, à dessein mal pourvue en ce qui concerne la grande délinquance notamment financière, la justice peine aussi à jouer, en matière civile, son rôle protecteur des équilibres sociaux. Les peines d’emprisonnement poursuivent une inexorable hausse alors que les mesures alternatives assurent une meilleure protection de la société en favorisant la réinsertion.

Pour son 40è anniversaire, le Syndicat de la magistrature rêvait que les mauvais jours finissent enfin. A l’aube du 50è, en portant ce projet, il continue et continuera à se battre pour une autre justice enfin indépendante, égale pour tous et protectrice des libertés.

Plateforme Pour une révolution judiciaire 2017 (8.73 MB) Voir la fiche du document