Communiqué de presse sur la répression de la manifestation du 22 mai 2018, notamment au lycée Arago à Paris

La répression des lycéens et militants mobilisés au lycée Arago est symptomatique d’un rapport de l’Etat à la contestation sociale et politique. Parce qu’elle vise des enfants de centre ville, elle révèle à tous des textes et des pratiques qui opèrent habituellement dans l’indifférence.
Des textes d’abord. Deux infractions ont servi l’action policière : l’intrusion dans un établissement scolaire et la participation à un attroupement en vue de la préparation de dégradations ou de violences. Ces deux infractions pénales – dont la seconde a fait un retour en force dans la répression des manifestants – sont nées sous l’ère sarkozyste, et procèdent d’un mouvement qui vise à pénaliser, non pas un dommage social réel mais une potentialité. Un droit pénal putatif donc, formidable outil dans un contexte revendicatif : le ministre de l’Intérieur peut alors déployer l’action policière, ses effets bien réels – la garde à vue – et ceux plus immatériels – la dissuasion à destination des jeunes mobilisés partout ailleurs.
Puisque la prison est la peine de référence pour la quasi totalité des délits, la garde à vue devient la règle. Parlons-en. L’avocat n’y a pas accès au dossier et la famille informée de la mesure ne sait rien des faits reprochés, pas même une qualification juridique, y compris pour les mineurs. Le prélèvement d’ADN pour nourrir le fichier des empreintes génétiques y est le principe, permis par une succession de lois aboutissant à un fichier tentaculaire. Cette réalité n’est pas nouvelle, elle justifie une mobilisation citoyenne d’ampleur. Puisse la répression d’un lycée parisien en être le tremplin.
Des pratiques ensuite. Les interpellations policières en masse – plus d’une centaine de personnes ici - ne sont pas nouvelles : les derniers mouvements sociaux les ont connues et deux années d’état d’urgence les auraient presque banalisées. L’autorité judiciaire doit exercer un contrôle, mais les politiques pénales – rappelées dans la circulaire du 20 septembre 2016 – l’enserrent dans des réactions immédiates, au nom de prétendues nécessités d’ordre public.
Suivent ainsi des comparutions immédiates et des déferrements, des procédures en théorie exceptionnelles qu’aucune loi récente n’est venue restreindre, qui surdéterminent les conditions de la répression. L’emprisonnement y est plus fréquemment prononcé, à titre provisoire ou de peine, et à défaut, la rigueur se niche dans des contrôles judiciaires qui comportent de plus en plus souvent des interdictions de paraître, cachant des interdictions de manifester.
Cette répression n’a pas commencé au lycée Arago, ni même dans les manifestations pour la défense du service public ou contre ParcoursSup. Depuis plusieurs dizaines d’années déjà, l’idéologie sécuritaire a fait de la rue – en somme, les illégalismes populaires – la priorité des politiques pénales, cet ordre public là justifiant une mobilisation policière et judiciaire permanente et immédiate, tandis que d’autres contentieux cheminent plus lentement.
Ces choix politiques sont réversibles, c’est pourquoi le droit pénal et la procédure pénale doivent être un terrain de mobilisation de tous.