Proposition de loi anti-bandes : jusqu'où nous conduira la démagogie sécuritaire ?
Publié le June 30, 2009
Collectif Liberté Égalité Justice (CLEJ) - 30 organisations signataires
Le 5 mai 2009, M. Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, a déposé une proposition de loi visant notamment à « renforcer la lutte contre les violences de groupes ». Ce texte a été adopté en commission des lois le 10 juin. Il est examiné au Parlement depuis le 23 juin.
Il prévoit en particulier de punir de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende « le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des destructions de biens ».
La création d’un tel délit, résurgence aggravée de la tristement fameuse « loi anti-casseurs », est à la fois totalement inutile pour lutter contre la délinquance et très dangereuse pour les libertés publiques.
Inutile parce que le Code pénal permet déjà de punir très sévèrement les auteurs d’infractions en groupe.
Circonstances aggravantes de réunion et de bande organisée, coaction, complicité, délits d’association de malfaiteurs, d’attroupement armé et d’attroupement non-armé constituent un arsenal répressif déjà considérable contre les personnes qui, collectivement, commettent ou commencent à commettre des violences ou des dégradations et même celles qui préparent la commission de tels faits.
Dangereuse parce qu’au-delà de l’affichage politique, la définition retenue est extrêmement floue et porte en germe un arbitraire policier et judiciaire qui n’est pas acceptable en démocratie.
En effet, compte tenu de la pression statistique sans précédent qui s’exerce sur les forces de l’ordre, un tel « délit préventif », qui repose sur une suspicion d’intention (le « but poursuivi », en l’absence de toute violence ou dégradation effective), ne manquera pas d’engendrer des gardes à vue abusives (arrestation, menottage, fouilles, fichage...), dont tout laisse à penser que les « populations cibles » seront les habitants des quartiers populaires, notamment les jeunes, et les militants, déjà souvent présumés suspects...
Compte tenu de l’imprécision de l’incrimination, il est même à craindre que les tribunaux prononcent des condamnations sur la base de ces procédures aléatoires, notamment dans le cadre des audiences expéditives de comparutions immédiates...
Se promener à plusieurs dans une cité en marquant une certaine méfiance au passage de la police, occuper un appartement vide pour revendiquer une politique du logement digne de ce nom, protester contre une expulsion sans relogement, participer à une manifestation dans un climat tendu, organiser un happening, investir un bâtiment d’université pour dénoncer telle ou telle « réforme »..., autant de comportements étrangers à la délinquance qui risquent cependant d’alimenter la politique du chiffre sévissant au ministère de l’Intérieur.
En réalité, sous couvert de lutter contre les bandes, dont l’existence n’est pas nouvelle et qui sont déjà réprimées, y compris lorsque, comme récemment, de graves violences sont commises, ce texte contribuera à pénaliser à la fois les plus démunis et ceux, militants et citoyens, qui veulent agir ensemble pour faire reconnaître leurs droits.
Il est vrai que M. Estrosi est un fervent pratiquant de l’idéologie sécuritaire. On se souvient notamment qu’il avait déposé en 1991, suite à une affaire criminelle médiatisée, une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour certains crimes...
Les organisations membres et partenaires du Collectif Liberté Egalité Justice (CLEJ) dénoncent la surenchère démagogique que représente ce nouveau texte et en demandent le retrait pur et simple.
Alors que le Code pénal a été modifié 116 fois entre le 1er janvier 2002 et le 18 juillet 2008, elles rappellent par ailleurs qu’il est urgent de mettre fin à l’inflation législative, particulièrement nocive en matière pénale. Un fait divers = une loi, ça suffit !
Le 29 juin 2009.
Organisations signataires :
associations :
Association Française des Juristes Démocrates (AFJD)
Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille (AFMJF)
Droit Au Logement (DAL)
Fédération des Conseils de Parents d'Elèves des écoles publiques (FCPE)
Groupement Etudiant National d'Enseignement aux Personnes Incarcérées (GENEPI, membre observateur)
Ligue des Droits de l'Homme (LDH)
Privacy France (Big Brother Awards)
autres collectifs :
Appel des appels
Collectif « Nous refusons la politique de la peur »
mouvements et partis politiques :
Les Alternatifs
Fédération pour une alternative sociale et écologique
Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)
Parti Communiste Français (PCF)
Parti de gauche
Parti Socialiste (PS)
Les Verts.
syndicats :
Confédération Générale du Travail - Protection Judiciaire de la Jeunesse (CGT-PJJ)
Confédération Générale du Travail - Pénitentiaire (CGT-Pénitentiaire, UGSP)
Fédération Syndicale Unitaire (FSU)
Solidaires Unitaires Démocratiques - Santé/Sociaux (SUD-Santé/Sociaux)
Syndicat des Avocats de France (SAF)
Syndicat de la Magistrature (SM)
Syndicat de la Médecine Générale (SMG)
Syndicat National de l'Ensemble des Personnels de l'Administration Pénitentiaire (SNEPAP/FSU)
Syndicat National des Enseignants du Second degré (SNES/FSU)
Syndicat National de l'Enseignement SUpérieur (SNESUP/FSU)
Syndicat National des Personnels de l'Education et du Social - Protection Judiciaire de la Jeunesse (SNPES-PJJ/FSU)
Syndicat National Unitaire des Collectivités Locales, de l'Intérieur et des Affaires Sociales (SNU-CLIAS/FSU)
Union Nationale des Etudiants de France (UNEF)
Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)
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