Nouvelle manifestation du recentrage de la droite sur ses fondamentaux, le Conseil des ministres vient d’adopter un énième projet de loi (le sixième depuis 2002) relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Le Gouvernement saisit l’occasion de la transposition de trois directives communautaires pour ajouter un ensemble de dispositions visant à restreindre encore les droits des étrangers lorsqu’ils sont confrontés à une procédure de refoulement ou de reconduite pour la seule raison qu’ils ne sont pas titulaires des documents ou justifications les autorisant à séjourner en France.

Outre l’ingénieuse invention d’une zone d’attente « sac à dos » que les étrangers débarquant sur le territoire national apporteront avec eux où qu’ils soient – puisque tout lieu dans lequel ils seront découverts pourra être ainsi qualifié - le projet de loi se distingue également par une défiance totale à l’égard des juges, visiblement considérés comme des gêneurs dans la mise en œuvre des objectifs chiffrés d’expulsions que Monsieur Besson a assignés à ses services.

L’ensemble des dispositions du projet de loi relatives au contentieux judiciaire est en effet destiné, pour les unes, à éviter à l’administration le désagrément d’avoir à soumettre la régularité de ses procédures au contrôle du juge judiciaire et, pour les autres, à réduire ou neutraliser les pouvoirs de contrôle de ce dernier.

En reportant de deux à cinq jours le délai dans lequel l’administration devra saisir le juge des libertés et de la détention (JLD), le projet vise ainsi clairement à lui permettre de mettre à exécution un nombre considérable de procédures de reconduite et ce, sans qu’à aucun moment un juge n’ait été appelé à vérifier la régularité ni de l’arrestation de l’étranger ni des conditions de sa rétention au regard des droits qu’il est censé pouvoir exercer.

Lorsque l’administration aura échoué dans sa tentative d’expulsion pendant ces cinq jours d’impunité et qu’elle devra donc demander au juge l’autorisation de prolonger la rétention, le pouvoir d’appréciation de ce juge sera considérablement restreint : contraint, par exemple, de « tenir compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention d’un groupe d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet », il devra en revanche s’abstenir de prendre en considération les garanties de représentation offertes par l’étranger maintenu en zone d’attente pour refuser de prolonger ce maintien, de même qu’il devra s’interdire, en appel, de relever une irrégularité, même grave et manifeste, dès lors qu’elle serait antérieure à la comparution devant le JLD.

Toujours plus de latitude pour l’administration dans la mise en œuvre des expulsions, toujours moins de droits, corrélativement, pour des étrangers privés de liberté alors même qu’ils n’ont commis aucune infraction, telle est la conception que se fait notre gouvernement de la mise en œuvre d’une politique migratoire soi-disant respectueuse des droits de l’Homme.

Que le juge judiciaire - institué gardien des libertés individuelles par la constitution et chargé à ce titre de sanctionner les excès de l’administration en mettant fin aux rétentions indues - soit entravé dans l’exercice de cette fonction n’étonnera guère : en tentant d’écarter ce gêneur, Monsieur Besson ne fait rien d’autre que de se donner les moyens de ses objectifs.

Le Syndicat de la magistrature se mobilisera, avec les très nombreuses associations et personnalités qui se battent contre une politique migratoire cynique et déshumanisée, pour appeler les parlementaires à faire obstacle à l’adoption de ces dispositions indignes.