Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a été adopté par l’Assemblée nationale, en première lecture, ce 12 octobre.



Scrupuleusement « enrichi » de toutes les mesures inspirées par le tristement célèbre discours de Grenoble, le texte marque l’engagement résolu de la majorité présidentielle – en dépit des réticences publiques de certains de ses membres – dans la démarche qui conduit insensiblement la France vers la banalisation de la xénophobie d’Etat.



Dans son inspiration comme dans ses dernières évolutions, le projet validé par l’Assemblée poursuit en effet un triple objectif :



1) Propager une conception « morcelée » de la nationalité qui suggère l’apparition d’une ligne de fracture « originelle » entre les bons et les mauvais Français.



Comment lire autrement la création, sans aucune justification possible en termes de prévention des meurtres de policiers ou de gendarmes, d’un nouveau cas de déchéance de la nationalité française susceptible de frapper les Français naturalisés depuis moins de dix ans, ou encore la pénalisation des mariages présumés « gris » ?



2) Faire entrer dans le droit positif la stigmatisation des Roms, promus au rang de nouveaux boucs émissaires.



Comment interpréter autrement les dispositions qui prévoient la possibilité d’éloigner les Européens dont le séjour est constitutif d’un « abus de droit » du simple faut qu’ils renouvellent des séjours de moins de trois mois ?



3) Réduire à la portion congrue les droits des étrangers en situation irrégulière, dont le ministère de l’Intérieur poursuit avec une obsession maniaque le refoulement ou la reconduite à la frontière.



Comment analyser autrement les dispositions portant de deux à cinq jours le délai dans lequel un étranger pourra être maintenu en centre de rétention administrative sans aucune intervention du juge judiciaire ou encore celles qui privent le même juge d’une part essentielle de son pouvoir de contrôle sur les conditions de mise en oeuvre de cette mesure privative de liberté ?



En instaurant un véritable régime d’exception pour le traitement du contentieux de l’éloignement des étrangers, le Parlement s’apprête à brader les valeurs de l’Etat de droit qui garantissent à tous un égal accès au juge gardien des libertés individuelles.



En adoptant sans états d’âme les amendements « présidentiels », il franchit une étape supplémentaire dans la systématisation de la mise au ban des étrangers en situation de précarité et, pour de basses raisons électorales, donne délibérément corps aux fantasmes xénophobes.



Le Syndicat de la magistrature ne se résout pas à la construction méthodique de « l’étranger » comme sujet de non-droits.