Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature se félicitant de la censure, par le Conseil constitutionnel, du délit de consultation habituelle de sites provoquant ou faisant l'apologie du terrorisme

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel vient de censurer le délit de consultation habituelle de services de communication au public en ligne provoquant ou faisant l’apologie des actes de terrorisme. Les arguties présentées devant lui par le représentant du gouvernement ont été de peu de poids face à des requérants déterminés à défendre les principes fondamentaux du droit pénal.

Décortiqué, le délit de consultation habituelle de sites terroristes n’a pas survécu, faute d’intention caractérisée en lien avec une entreprise terroriste et de certitude sur les contours que le législateur avait entendu donner à la bonne foi. Le Conseil ayant dressé l’impressionnant tableau de l’arsenal pénal et administratif toujours plus dérogatoire entré en vigueur au cours des dernières années et identifié les failles évidentes de ce délit créé par la loi du 3 juin 2016, la sanction tombe. Parce qu’il porte « une atteinte à l’exercice de la liberté de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée », l’article 421-2-5-2 du code pénal est déclaré contraire à la Constitution.

Derrière ce délit, c’est tout à la fois une méthode législative et une philosophie pénale qui doivent être condamnées.

La première a consisté à systématiquement soumettre le vote des lois antiterroristes à des procédures d’urgence étouffant toute possibilité de débat démocratique, de mise à distance et d’évaluation. Tandis que s’accumulaient les mesures répressives, le contrôle constitutionnel était délibérément écarté par une posture gouvernementale de mise à l’écart de ce garde-fou essentiel, preuve en est.

La seconde tend à la constitution d’un droit pénal antiterroriste préventif. Les infractions purement matérielles se multiplient, ici avec la consultation habituelle de sites, enfin censurée, là, avec les violations des interdictions administratives de sortie du territoire ou des assignations à résidence de l’état d’urgence. Elles menacent de se développer, comme en témoigne l’éternel retour de la proposition parlementaire de création d’un délit de « séjour sur un théâtre d’opérations terroristes ». Plus que des faits, la justice pénale est sommée de juger une dangerosité, sans exiger ni intention terroriste, ni tentative de commission d’un crime ou d’un délit, ni même actes préparatoires d’un projet terroriste. Aisément constitués, ces délits n’en sont pas moins évanescents. Leur dissémination risque de faire sombrer la justice pénale dans un principe de précaution qui doit, dans une démocratie, lui demeurer étranger.

Tandis que, déjà, au Sénat, le président de la Commission des lois annonce le dépôt d’une proposition de loi tendant à rétablir ce délit, la décision du Conseil constitutionnel ne peut rester sans suite. Le Syndicat de magistrature appelle à une réflexion approfondie sur le tournant prédictif de notre droit et ses conséquences sur nos libertés fondamentales.