Indépendance et service public de la justice

A l’heure où l’indépendance de la justice est gravement menacée par le
pouvoir exécutif (transfert annoncé des enquêtes confiées au juge
d’instruction à un parquet toujours sous contrôle, convocations à la
Chancellerie, dévoiement de l’Inspection…), les exemples de pressions
quotidiennes par la hiérachie se multiplient.

C’est ainsi qu’au tribunal de grande instance de Paris, deux affaires récentes
témoignent d’atteintes à l’indépendance, clairement revendiquées par une
hiérarchie qui relaie avec zèle la volonté de domestication des juges.
Dans une note en date du 22 janvier 2009, M. Bruno Laroche, collaborateur
du président du TGI de Paris, n’hésite pas à donner consigne aux juges
correctionnels de signaler immédiatement leurs décisions de non-application
des peines-plancher, avant même la rédaction des jugements.

Cette directive a explicitement pour objet de faciliter les appels du parquet
qui se généralisent depuis la dépêche du garde des Sceaux en date du 24
septembre 2008.

A Paris, les juges du siège sont donc désormais considérés comme les petites
mains du ministère public, au mépris de l’égale information de toutes les
parties.

Par ailleurs, sur dénonciation de la Doyenne des juges d’instruction, Mme
Nathalie Dutartre, relayée par le même Bruno Laroche, plusieurs juges
d’instruction qui ont entrepris, en application de l’article D177 du Code de
procédure pénale, de visiter la maison d’arrêt de la Santé, se sont vu
reprocher en termes disciplinaires par le président du TGI, M. Jacques
Degrandi, un comportement « déloyal » et un « dénigrement des conditions
de détention ».

A la suite de cette grossière manoeuvre d’intimidation, les juges d’instruction
du service général ont clairement manifesté leur volonté de continuer
d’exercer pleinement leurs attributions juridictionnelles en adressant une
pétition à leur hiérarchie.

Tout se passe donc comme si la préfectoralisation en marche des parquets
contaminait peu à peu la hiérachie du siège, qui en vient à oublier son devoir
d’indépendance.

Le Syndicat de la magistrature rappelle qu’aux termes de l’article 66 de la
Constitution, les magistrats sont les gardiens des libertés individuelles. A ce
titre, ils se doivent, non seulement d’exercer dans le strict respect de la loi
leur pouvoir d’individualisation des peines, mais aussi de s’inquiéter des
conditions de détention.

Le Syndicat de la magistrature, en ce jour de grève et d’action pour la
défense d’une justice indépendante et égale pour tous, entend rappeler qu’il
combattra toutes les tentatives d’intimidation des magistrats, qu’elles
émanent du pouvoir exécutif ou de ses relais hiérarchiques.

A ce titre, il saisira le Conseil supérieur de la magistrature.