Quelle justice demain en France?
Les atteintes à l’indépendance de l’autorité judiciaire, en violation du principe de séparation des pouvoirs, se sont multipliées depuis deux ans.
Sous couvert d’une modernisation certes nécessaire du Ministère de la Justice, ce sont les grands principes qui régissent notre droit depuis la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’architecture d’une justice libre et indépendante qui sont progressivement remis en cause.
Dans le même temps la paupérisation de la Justice, par manque de personnels et de moyens, se poursuit dans l’indifférence générale.
Le malaise est plus intense que jamais dans les juridictions au point que l’explosion apparaît aujourd’hui plus que probable.
Toutes les fonctions sont touchées. Ainsi :
- les juges de l’application des peines sont stigmatisés à l’occasion du moindre fait divers impliquant une personne déjà condamnée, pendant que les lois de circonstances votées sans moyens pour les appliquer s’amoncellent ;
- les juges des enfants font l'objet d'une suspicion permanente alors que leurs possibilités d’intervention en assistance éducative se réduisent et que les moyens budgétaires d’accompagnements des mineurs délinquants sont en baisse;
- les juges d’instance, confrontés à une réforme non préparée de la carte judiciaire et à une réforme non accompagnée des procédures de tutelle, ne pourront bientôt plus être ces juges du quotidien, proches du justiciable ;
- les magistrats du parquet, de plus en plus encadrés et contrôlés dans leur activité quotidienne par une hiérarchie, dont les nominations sont chaque jour davantage partisanes, s’inquiètent légitimement de leur avenir ;
- les juges civils, comme les juges pénaux, soumis à la pression des statistiques, sont invités, à gérer des flux au détriment d’une gestion personnalisée et humaine des dossiers.
A ce tableau déjà sombre, le Président de la République souhaite ajouter la mort du juge d’instruction, sans modification préalable du statut du parquet. Ce projet de réforme, condamnée par la majorité des Français et par le Conseil de l’Europe, apparaît clairement comme une volonté du pouvoir politique de contrôler les affaires sensibles ou gênantes pour l’exécutif.
Parallèlement, le budget de la Justice judiciaire, déjà l’un des plus faibles d’Europe, stagne et contrairement aux affirmations de la Chancellerie, les effectifs de magistrats et de fonctionnaires de greffes sont réduits au point d’hypothéquer le fonctionnement normal de l’institution.
Or, une justice asphyxiée est une justice sous contrôle. Pour assumer pleinement son rôle constitutionnel de gardienne des libertés individuelles et pour répondre à la demande légitime des Français d’une justice humaine et de qualité, l’institution judiciaire doit disposer de moyens décents, dignes d’une vraie démocratie.
Face à ce contexte catastrophique, tous les syndicats et toutes les associations de magistrats, ont décidé d’engager un vaste débat sur l’avenir de la justice.
Quelle justice pour demain ? Une justice indépendante ou sous tutelle ? Une justice dotée des moyens de fonctionner, plus efficace et plus rapide ou une justice paupérisée ? Une justice égale pour tous ou une justice favorisant quelques uns ?
Nous, magistrats, garants constitutionnellement des libertés individuelles, considérons que la sauvegarde d’une Justice forte, indépendante et égale pour tous est indispensable à l’équilibre démocratique.
Pour affirmer ce choix, le partager avec l’ensemble de la population, nous avons décidé de nous mobiliser tout au long de l’année 2010. Nous le ferons aux cotés de tous ceux qui concourent à l'action de la Justice.
Les premières actions de mobilisations seront annoncées lors d’une conférence de presse tenue le
Mercredi 16 décembre 2009 à 11 heures
au TGI de Paris – Salon du Harlay
Les bureaux nationaux de l’association nationale des juges d’instance (ANJI), l’association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), l’association française des magistrats de la jeunesse (AFMJF), l’association française des magistrats instructeurs (AFMI), l’association des jeunes magistrats (AJM), le Syndicat FO-Magistrats, le Syndicat de la Magistrature (SM) et l’Union Syndicale des magistrats (USM)