Nos observations sur les questionnaires "parlons justice"

Publié le Oct. 25, 2021

Comme vous le savez, nous avons réagi au lancement des états généraux lundi dernier par un communiqué de presse dénonçant la caractère faussement démocratique d’une opération toute entière tournée vers l’affaiblissement de l’autorité judiciaire, sous couvert de répondre aux attentes des citoyens. Nous avons ensuite interrogé la chancellerie en détails sur la construction de la méthodologie de ces travaux (cf notre communication du 20 octobre).
Cette première analyse est confirmée à plusieurs égards.
Il résulte clairement des informations données par le ministère de la Justice aux organisations syndicales que ni le « comité indépendant », ni les ateliers thématiques comportant des professionnels n’ont été associés ni même consultés sur le contenu des questionnaires en ligne sur le site « parlons justice ». Ceux-ci ont été élaborés par la chancellerie, avec l’assistance d’un prestataire privé, selon une méthodologie obscure (une compilation de sondages et recherches sur la justice pour déterminer les thèmes qui intéressent les citoyens, nous dit-on).
Il nous est apparu nécessaire d’analyser avec précision ces questionnaires, afin de démontrer à quel point ce qui ressortira de la « consultation » des citoyens est induit à la fois par le périmètre des thèmes retenus (à l’exclusion de nombreux autres sujets non abordés), et par les présentations faites avant les questions (pour influencer les réponses), la manière de formuler les questions, les choix imposés proposés dans les réponses (beaucoup de QCM et peu de questions avec des réponses libres)... La stratégie est bel et bien celle d’un habillage pour légitimer des réformes souhaitées par la majorité en place : la participation des citoyens, présentée comme la manière de renouer les liens entre justice et population, est un véritable jeu de dupe. Les questionnaires destinés aux magistrats et partenaires ne valent évidemment guère mieux.
Vous trouverez ci-joint nos observations détaillées sur ces questionnaires, qui comportent en annexe les questionnaires in extenso, observations que nous diffusons également à la presse.
Cette stratégie est entièrement confirmée par le déroulement du premier déplacement d’Eric Dupond Moretti pour un « débat local » avec les professionnels et citoyens : un monologue du ministre, venu faire sa publicité par rapport aux réformes votées cette année, renvoyant dans leurs cordes les citoyens qui ne posaient pas les bonnes questions (sur les moyens par exemple) et sans qu’à aucun moment la parole ne soit donnée aux professionnels de justice présents dans la salle, à l'exception du bâtonnier. En un mot, non pas un débat, mais un énième exercice de communication. Vous trouverez ci-joint le communiqué de presse de la section régionale du SM de Grenoble à ce sujet.
Enfin, alors que le rôle du comité indépendant comme clef de voûte de ces états généraux, et de manière générale l’indépendance de ceux qui mèneront les travaux sont sans cesse mis en avant par la chancellerie, force est de constater que l’architecture retenue ne fait intervenir ce comité qu’en bout de course, et qu’il n’a pas été associé à la manière dont les sujets devaient être posés. De plus, les lettres de mission adressées aux ateliers thématiques (composés de professionnels) par le ministre de la Justice mettent clairement en avant que le président de la République a confié à ce dernier « le pilotage et l’organisation » des états généraux... et non au comité indépendant. Ces écrits posent les sujets à travailler et le sens des réflexions attendues (dont l’inspiration est la même que celle résultant de l’analyse des questionnaires) : la chancellerie nous a assuré lors de la réunion avec les organisations syndicales que les ateliers pouvaient tout à fait sortir des lignes tracées par ces courriers. Il s’agirait donc de lettres de mission du garde des Sceaux dont les ateliers thématiques n’auraient pas à tenir compte... Logique.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, au-delà de notre travail de mise au jour de cette méthodologie, il nous est apparu nécessaire, à ce stade, d'écrire au comité indépendant afin d’obtenir un entretien au sujet des enjeux de ces états généraux.

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États généraux de la justice

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