Madame le garde des Sceaux,

Dans différents courriers que nous vous avons faits parvenir depuis de nombreux mois, nous avons mis l’accent sur les difficultés considérables de fonctionnement des juridictions, et sur l’asphyxie de l’institution judiciaire qui résultait du manque criant de moyens : interprètes et experts refusant d’assurer leurs missions parce qu’ils ne sont plus payés, non-renouvellement des contrats des vacataires faute de crédits, impossibilité de faire appel aux juges de proximité pour les mêmes raisons, abandon matériel et moral des juridictions en voie de suppression...

Nous avons pris bonne note de vos arguments - lorsque vous nous répondiez - relatifs aux restrictions budgétaires dont devrait s’accomoder le ministère de la Justice.

Le Syndicat de la magistrature attire cependant votre attention sur l’existence d’une « petite manne » qui pourrait être rapidement utilisée à ces fins, dont vous conviendrez du caractère prioritaire : d’après le Canard Enchaîné du 14 juillet, le nouveau directeur de l’administration pénitentiaire se serait vu octroyer une prime de 30 000 euros annuels afin de payer le loyer du logement que cet ancien procureur général de Versailles continue d’occuper dans cette ville.

A supposer que ce directeur puisse réglementairement bénéficier d’un logement de fonction pour « nécessité absolue de service » (NAS) - ce qui ne semble pas être le cas - un tel logement ne pourrait, en tout état de cause, décemment pas être localisé à Versailles pour un poste situé dans le centre de Paris, sauf à ce que les mots n’aient plus aucun sens.

Les magistrats seraient très intéressés de savoir, en période de « République irréprochable » et alors que tant de territoires judiciaires sont laissés à l’abandon, si vous avez décidé vous-même d’octroyer cette prime à ce directeur et, surtout, si vous comptez la maintenir maintenant qu’elle a été révélée par la presse.


Nous vous prions d’agréer, Madame le garde des Sceaux, l’expression de nos sentiments les plus syndicaux.



Pour le Syndicat de la magistrature


Matthieu Bonduelle, secrétaire général