Comme beaucoup de professions, nous n’avons toujours aucune information précise, aucune projection sur la manière dont la réforme des retraites s’appliquera aux magistrats. Le flou sur l’impact de la réforme apparaît du reste volontairement orchestré, l’arrogance de l’exécutif allant même jusqu’à publier l’étude d’impact et saisir le Conseil d’Etat à seulement quelques semaines des débats parlementaires, quitte à se faire tacler notamment pour ses projections financières « lacunaires » et l’insécurité juridique engendrée.


Depuis le mois de décembre, le Syndicat de la magistrature dénonce cette méthode et critique les principes généraux retenus par le gouvernement, en ce qu’ils dessinent un système de retraite globalement inéquitable et insuffisamment redistributif. C’est la raison pour laquelle nous avons appelé à la grève à plusieurs reprises, en solidarité avec le mouvement social, dans le cadre d’une intersyndicale justice avec la CGT chancellerie et services judiciaires, le SNPES-PJJ, la CGT-PJJ, la CGT insertion et probation, le SNEPAP-FSU, Solidaires Justice et le Syndicat des avocats de France pour défendre une réforme plus juste des retraites et le service public de la justice.


Cette mobilisation d’ampleur poursuit nos deux années de bataille menée ensemble, magistrats, avocats, éducateurs, fonctionnaires de greffe, conseillers d’insertion et de probation, contre une réforme de la justice dont la seule visée est le rationnement. Tous les professionnels de justice subissent les conséquences de l’entrée en vigueur de réformes non concertées, qui réduisent l’accès au juge dans le but de contenir les flux, prévoient des modes de traitement dégradé (recul du jugement en collégialité, suppression des tribunaux d’instance…) pour ne pas avoir à donner à l’institution judiciaire les moyens nécessaires à une justice de qualité. Les magistrats et avocats sont par ailleurs contraints d’appliquer des réformes dont les décrets d’application sont publiés à quelques jours de leur entrée en vigueur, l’impréparation et la précipitation donnant lieu à de nombreuses difficultés non anticipées dans la mise en œuvre des textes. Le projet de décret open data n’est qu’une manifestation de plus de ce mépris total de la chancellerie et d’une déconnexion absolue avec la réalité vécue par les magistrats et fonctionnaires de greffe.


L’exaspération est ainsi partagée dans nos professions face à une ministre qui à aucun moment ne prend en compte nos revendications et nos propositions. Aussi, s’il est légitime que des magistrats ne partagent pas certains modes de mobilisation choisis par les avocats depuis le début de leur mouvement, il nous paraît essentiel que les professionnels de justice ne se divisent pas face à un ministère qui, depuis trop longtemps, les maltraite, ainsi que les justiciables.


Vous trouverez dans la colonne de droite notre communiqué de presse appelant l’ensemble des professionnels de justice à la solidarité dans le contexte actuel de mobilisation, et dénonçant, comme nous l’avons déjà fait dans un précédent communiqué, les instructions ou invitations plus ou moins appuyées de certains chefs de juridictions sur la position à tenir face aux demandes des avocats faites dans le cadre de leur mouvement, instructions qui se multiplient actuellement : en aucun cas des directives ne sauraient être données aux magistrats du siège dans le cadre de leur activité juridictionnelle et en aucun cas des entraves à la liberté de parole prévue par le statut des magistrats du parquet, enclins à soutenir des demandes de renvoi à l’audience, ne sauraient être tolérées.