Communiqué de presse à la suite de la décision du Conseil constitutionnel relative à l'article 5 du statut de la magistrature

Il est des validations qui, plus que des censures, appellent des révolutions. La décision rendue ce matin par le Conseil constitutionnel est de celles-là.

En déclarant conforme à la Constitution l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 en ce qu’il dispose que les magistrats du parquet sont placés sous l’autorité du garde des Sceaux, il n’a pas retenu les arguments présentés par les trois organisations syndicales de magistrats sur l’incompatibilité de cet article avec les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la Justice.

La motivation est lapidaire et péremptoire : l’indépendance du parquet ne valait- elle vraiment que cinq lignes d’affirmations ?

Le Conseil n’assume plus ouvertement d’invoquer la traditionnelle « conception française » de la séparation des pouvoirs comme fondement à la subordination du ministère public. Il se drape dans des garanties législatives parcellaires, telles l’interdiction des instructions individuelles, feignant d’y voir la suffisante garantie de l’indépendance du parquet. La nomination et la discipline par le garde des Sceaux n’y sont pas vues pour ce qu’elles sont en réalité : des modes déguisés et différés d’immixtion dans les affaires particulières dans le contexte de l’accroissement des pouvoirs confiés aux parquets.

Son credo conservateur demeure. En affirmant que la Constitution assure une « conciliation équilibrée entre le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et les prérogatives que le gouvernement tient de l’article 20 de la Constitution », il porte une appréciation sur la Constitution par une décision politique qui va au delà du simple examen de conformité.

Il reste sourd à l’exigence, au sein du corps social, d’une interdiction d’immixtion du pouvoir exécutif dans le cours de la Justice et tourne ostensiblement le dos aux standards européens tels que posés par la jurisprudence de la CEDH.

Le Conseil se fait le gardien zélé de l’ordre établi, en se satisfaisant de dispositions constitutionnelles contraires aux exigences d’une séparation des pouvoirs effective contenue dans l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Sa décision ne démontre que trop l’urgence d’une réforme constitutionnelle.

Le gouvernement a déjà annoncé pour 2018 un projet de loi qui devrait se résumer à la nomination et à la discipline des magistrats du parquet. Le Syndicat de la magistrature poursuivra son combat pour une réforme d’envergure permettant une indépendance pleine et entière de l’institution judiciaire : pouvoir de nomination des magistrats exclusivement confié à un CSM rénové dans sa composition, inamovibilité des magistrats du parquet, consécration du principe du juge naturel dans la Constitution et de sa déclinaison dans la loi, dispositions encadrant les modalités des remontées d’informations entre les parquets et le garde des Sceaux et l’organisation interne des services des parquets. L’autonomie budgétaire des services judiciaires sous l’égide du CSM doit aussi être consacrée, ainsi que le rattachement de la police judiciaire à la Justice.

Le Conseil constitutionnel n’a pas dévié de sa ligne : au constituant d’entendre l’appel à une réforme urgente pour consacrer enfin l’indépendance de la Justice !
Le communiqué est à télécharger en pièce jointe.

L'indépendance du parquet, une urgence constitutionnelle (55.83 KB) Voir la fiche du document