Le journal Le Monde révèle aujourd’hui que le procureur de la République de Nice aurait expliqué, dans le cadre de son audition par sa hiérarchie, que ses déclarations publiques trompeuses dans le cadre de l’« affaire Geneviève Legay » avaient été inspirées par le souci de ne pas démentir la communication hasardeuse du président de la République sur ce dossier sensible.

Selon le journal Le Monde, la chancellerie n’a pas infirmé cette information. Habituellement prompte à présenter le parquet comme une chaîne hiérarchique remontant jusqu’à la garde des Sceaux, elle a trouvé bien commode de déclarer que le procureur de la République avait été en l’occurrence « totalement indépendant ».

Le Syndicat de la magistrature dénonce l’hypocrisie de cette position, alors que le statut du parquet et la pratique du pouvoir sont délibérément conçus afin d’encourager, sous la surface de garanties d’indépendance formelles, une allégeance spontanée des procureurs envers l’exécutif.

En effet, bien que les instructions dans les dossiers individuels soient proscrites, les magistrats du parquet savent que leur carrière dépend entièrement d’un exécutif qui ne se cache pas d’attendre d’eux une allégeance qui va au-delà de la simple loyauté. Un tel statut ne permet pas d’écarter le risque que certains fassent preuve d’une complaisance intéressée envers les intérêts réels ou supposés du pouvoir.

L’exécutif actuel s’est d’ailleurs chargé de rappeler cet état de fait de manière particulièrement explicite aux procureurs qui ne l’auraient pas compris. Au mois de septembre 2018, le gouvernement interrompait le cours normal du processus de nomination du procureur de Paris et sollicitait en quelques jours la candidature – finalement retenue – d’un magistrat qu’il estimait apparemment plus proche de lui que les professionnels jusque là pressentis. Interrogé sur cette intervention, le Premier Ministre déclarait au mois d’octobre 2018 « parfaitement assumer » de nommer un procureur « parfaitement en ligne », avec lequel il serait « parfaitement à l’aise ».

A ce titre, le projet de réforme constitutionnelle envisagé n’est qu’un trompe l’œil. En effet, alors que le gouvernement communique bruyamment sur l’«alignement» du régime de nomination des magistrats du parquet sur celui des juges du siège, il omet discrètement mais sciemment de prévoir un tel alignement au niveau des postes de hiérarchie, pourtant les plus sensibles.

Le Syndicat de la magistrature réaffirme la nécessité d’un processus de nomination des magistrats entièrement confié au Conseil supérieur de la magistrature, pour le siège comme pour le parquet, seul dispositif de nature à garantir une indépendance réelle de la justice.