Communiqué de presse de la section syndicale du Syndicat de la magistrature au TGI de Créteil

Il ne faut pas dire aux chefs de la juridiction de Créteil que, lors des assemblées générales de décembre, ils n'ont pas soutenu leurs collègues.

Ça ne leur plaît pas, mais alors pas du tout.

Pour reprendre les termes récemment utilisés par Madame le procureur, à propos de notre communiqué du 19 janvier : c'est « faux », c'est « petit », c'est « minable ».

Outre qu'il suffit de se reporter aux compte-rendus de ces assemblées pour se convaincre du contraire, il n'est cependant pas certain que la « gouvernance » par la mauvaise foi, et accessoirement l'injure, soit exactement ce dont cette juridiction ait besoin.

Quoi qu'il en soit, maintenant que la liste des postes offerts aux auditeurs est connue, et que chacun peut y voir que 29 nouveaux magistrats rejoindront le TGI de Bobigny en septembre (16 au siège, 13 au parquet), tandis que 2 seulement arriveront à Créteil (au parquet, 0 au siège donc), est-il permis d'interroger la pertinence de la stratégie adoptée par notre dyarchie ?

Est-il autorisé d'imaginer que le redressement spectaculaire (et nécessaire) des effectifs de magistrats balbyniens doive beaucoup aux suppressions massives d'audiences votées par eux lors des dernières AG et – c'est toute la différence – entérinées par leur hiérarchie en lien avec la cour d'appel et le barreau ?

Est-il envisageable de supposer que le sort préoccupant du TGI de Créteil, certes amélioré par la dernière « transparence » – et c'est heureux – aurait davantage encore préoccupé la chancellerie avec des mesures aussi drastiques, non pas votées, car elles l'ont été, mais actées et assumées par qui de droit ?

Pas sûr, à vrai dire, tant nous sommes aujourd'hui invités, plus ou moins fermement, à ne pas faire trop de vagues, à nous garder de toute interprétation négative et à remettre docilement notre sort entre les mains de chefs qui se font fort d'œuvrer courageusement en coulisse. Une nouvelle fois, il faudrait ainsi tout espérer de leurs habituelles démarches épistolaires et d'une « transparence » de juin qui n'a pourtant jamais fait le printemps. La manœuvre est classique : jouer la montre pour endormir la contestation.

En attendant, les demandes de mutation risquent d'être bloquées, les services spécialisés sont appelés à la « solidarité » pour assurer des audiences correctionnelles pendant les vacations d'été, des magistrats en prolongation d'activité sont envoyés à l'audience quasi-quotidiennement, on commence à examiner à 19h une affaire grave concernant trois prévenus et de nombreuses parties civiles – et on termine logiquement (sans avoir délibéré) à plus d'une heure du matin –, les dysfonctionnements se multiplient, les pépins de santé s'additionnent, la fatigue s'accumule, les relations se tendent...

Pendant ce temps aussi, le président du TGI invite tranquillement les magistrats à « regarder un peu au-delà de leurs piles en dépassant le court-termisme », l'urgence est à la chasse au bichon maltais et il est envisagé de créer une « commission de déontologie » sur mesure pour un premier vice-président venu, lui aussi, de l'Inspection.

Tout cela serait assez risible s'il ne s'agissait pas de nos conditions matérielles et morales d'exercice, de notre collectif de travail, de la qualité de la justice que l'on rend et, au bout du compte, des personnes que l'on poursuit, que l'on juge, qui nous saisissent.

Lundi dernier, les sections locales du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France ont organisé un vrai-faux procès de l'Etat pour « mise en danger de la justice ». Il y avait plutôt du monde : des avocats, des greffiers, des magistrats, des représentants d'associations, des interprètes, un policier, des conseillers d'insertion et de probation, des journalistes, des citoyens...

Notre idée, au-delà d'un exercice de pédagogie sur le fonctionnement réel de l'institution judiciaire : nous retrouver, inverser les rôles, parler de nos métiers, reprendre la parole, nous écouter, réfléchir ensemble, mieux nous connaître et, finalement, résister à la sinistrose organisée.

En voilà, un projet de juridiction !
Créteil, le 21 mars 2016
SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE
Section du Val-de-Marne