Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature à l'occasion du vote à l'Assemblée nationale en première lecture du texte dit Justice du 21ème siècle

Justice du 21ème siècle. L’intitulé, proche du slogan, sonnait clair et fier. Il promettait une justice « plus proche, plus efficace, plus protectrice », une institution judiciaire dont l’organisation et les priorités seraient enfin mises au service des justiciables. Ce vernis progressiste et ambitieux s’est vite craquelé, laissant place à la sempiternelle logique gestionnaire. Les très technocratiques « simplification », réduction des flux et recentrage sur le « cœur de métier » ont repris le dessus.
Même couplée au projet de loi organique, la réforme soumise au vote de l’Assemblée nationale, n’a pas l’étoffe d’un grand texte pour la justice.
On y trouve pourtant ici et là quelques bonnes mesures : la nomination du juge des libertés et de la détention par décret, l’instauration des services d’accueil unique du justiciable, le PACS aux mairies, la déclaration de patrimoine pour les chefs de juridiction et les membres du Conseil constitutionnel...
Et la justice échappe, pour combien de temps, à la création du tribunal de première instance que préfigurait la mutualisation des greffes, heureusement abandonnée.
Maigres victoires cependant.
La technique consistant à rogner des compétences pour soulager des juridictions asphyxiées signe le refus d’une réflexion d’ensemble sur le sens de l’intervention judiciaire. La déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, invitée surprise du deuxième tour, méritait pourtant d’être pensée comme un « dé-mariage » sans compromettre les intérêts des plus fragiles. La dépénalisation reste absente. Au contraire, c’est en vue d’une répression accrue que des amendes forfaitaires sanctionneront des délits routiers. Dangereuse mécanisation de la réponse pénale où l’intervention de l’autorité judiciaire s’émiette encore. Pas de vagues non plus dans les tribunaux de commerce dont les dérives bien connues justifieraient une vraie réforme : échevinage et fonctionnarisation des greffes.
La logique gestionnaire l’emporte sur l’accessibilité de la justice : la fusion des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité s’arrête au milieu du gué, aux portes du tribunal de la protection sociale. Le développement de la conciliation et de la médiation bute toujours sur l’indigence de l’aide juridictionnelle.
Le saupoudrage de quelques dispositions relatives à la justice des enfants et des adolescents ne sauvera pas ce texte. Indispensables, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et l’interdiction de la réclusion criminelle à perpétuité des enfants dissimulent mal l’éternel report d’une réforme d’ampleur centrée sur l’éducatif.
Au total, d’illusoires réductions de stocks sont la seule ambition d’un projet qui a perdu tout sens. La justice du 21ème siècle restera celle du 20ème siècle, inaccessible, corsetée par l’autorité hiérarchique, dure pour les faibles et tenue à bout de bras par des personnels épuisés, à nouveau trahis dans leur leur conviction qu’une autre justice est possible.