Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature à la suite des annonces du Gouvernement sur l'emploi, et notamment sur le plafonnement des indemnités de licenciement

Le cynisme du double langage atteint des paroxysmes : le dimanche on fustige les « plaintes permanentes » du Medef pour rassembler le parti, le lundi on veut le satisfaire en décidant le plafonnement des « indemnités » de licenciement.
Parmi l'ensemble des mesures de régression sociale que ce gouvernement a accumulées, celles qui ont été annoncées hier pourraient ne faire figure que de énième et affligeante tentative d'inverser une courbe du chômage décidément résistante. Elles seraient alors, en quelque sorte, banalisées par la succession de celles qui les ont précédées.
Pourtant, avec le plafonnement des « indemnités » de licenciement un cap est franchi. Rarement l'amputation assumée des droits élémentaires des salariés n'aura été aussi flagrante. Rarement la chimère du « frein à l'embauche » n'aura permis d’afficher aussi crûment l'option libérale et les choix de classe qu'elle exige.
Contrairement à ce que laisse entendre une communication maîtrisée, il ne s'agit pas de plafonner le montant d'« indemnités » forfaitaires dues à l'occasion de n'importe quel licenciement. Ce à quoi le gouvernement s'attaque, c'est en réalité « aux dommages-intérêts », autrement dit la réparation du préjudice que le salarié licencié « sans cause réelle et sérieuse » est contraint de demander à un juge. Peu importe, désormais, qu'il ait été abusivement licencié et peu importent les conséquences, évidemment différentes pour chacun, de ce licenciement, sa qualification, son âge, le temps passé à retrouver un emploi ... : un forfait, chichement compté et inséré dans une fourchette, suffira bien pour tous.
Tel serait en effet l'objectif : forfaitiser pour donner aux employeurs une prévisibilité érigée en impératif parce qu’elle serait indispensable à la vie des affaires. Et pour accréditer cette option, les éléments de langage distillés ici et là font entendre que la variabilité des indemnités allouées par les juges serait devenue « un vrai sujet ». Comprenons bien : il s'agirait donc, pour mettre les employeurs qui entendent s'affranchir du code du travail à l'abri d'un « insupportable » aléa judiciaire, de leur permettre d'évaluer par avance ce que leur coûtera la violation de la loi. Et ce faisant, pour le salarié, forfaitiser l'entrée dans le chômage, forfaitiser la perte de revenus, forfaitiser le trouble de la famille, forfaitiser l'angoisse de la précarité.
Peut-être cette mesure finira-telle par se heurter, à l’issue de longs et épuisants débats judiciaires, au droit de l’Union européenne qui impose une réparation intégrale du préjudice subi. Peut-être, même, le Conseil constitutionnel y verra-t-il ce qu’elle est réellement : une atteinte disproportionnée aux droits des victimes. Mais le scandale demeurera, dans les esprits, de cette nouvelle trahison des engagements de justice sociale.
Car qui peut croire que cette prime au licenciement injustifié, en forme d’inexplicable cadeau, favorisera l'emploi ? Certainement pas le Medef en tout cas, dont le chef a déjà cyniquement annoncé que cette mesure, qu'il avait pourtant réclamée, « ne suffira pas », prenant ainsi date pour la prochaine étape : la réforme du contrat de travail.
Jusqu'à quand le gouvernement continuera-t-il de courir derrière ces revendications, fasciné par d'illusoires promesses d'embauche comme autant de hochets qu'un patronat insatiable agite sous son nez ?