Huit ex-salariés de Goodyear ont été condamnés à des peines de deux ans d’emprisonnement dont neuf mois ferme. Amiens, il y a deux ans tout juste. 1173 suppressions d’emplois et deux fermetures de sites annoncées chez Goodyear. Autant de vies en suspens, de femmes et d'hommes qui luttent dans un bassin d'emploi sinistré. Le combat syndical dure, sans perspective face au Titan, le groupe américain propriétaire des usines qui n’a que la rentabilité en ligne de mire. De débrayages en occupations, le désespoir monte jusqu’à ce 6 janvier 2014 où des salariés retiennent pendant plusieurs heures deux cadres de l’entreprise, sans violence.
Que sont devenues la violence économique et la tension sociale dans le jugement rendu hier par le tribunal correctionnel d’Amiens ? Huit ex-salariés de Goodyear ont été condamnés à des peines de deux ans d’emprisonnement dont neuf mois ferme. Le tribunal n'a examiné leur ultime tentative de se faire entendre qu’à l’aune de la qualification pénale de séquestration.
Condamnés pour l’exemple ? Alors que le code pénal affirme que l’emprisonnement ferme doit constituer un dernier recours et que les responsables de l’entreprise ont eux-mêmes retiré leur plainte, la justice a refusé le choix de l’apaisement.
La lourdeur inédite de la sanction élude la réalité des conflits sociaux dans lesquels des centaines de salariés sont condamnés à l’impuissance comme au désintérêt politique et médiatique. Des salariés auxquels le code du travail n’offre plus aucun levier pour résister à des licenciements massifs qui, sous couvert de compétitivité, ne visent rien d’autre que la maximisation des profits.
L’amnistie sociale a fait long feu. A Amiens comme à Roissy, l'action syndicale n’est vue qu’au prisme du droit pénal sitôt qu'elle s'écarte des chemins balisés d'un dialogue social feutré. Le calcul économique de dirigeants qui intègrent le coût de la violation de la loi à leurs business plans a de beaux jours devant lui ; car de sanctions exemplaires, il est alors rarement question.