La commission Varinard rend aujourd'hui son rapport à la ministre de la Justice. La logique générale des 70 propositions de cette commission est particulièrement dangereuse car elles remet en cause de manière radicale les spécificités de la justice des mineurs (primauté des réponses éducatives, spécialisation des juridictions, atténuation des peines). Deux des préconisations sont à cet égard emblématiques: la possibilité d'emprisonner un enfant dès l’âge de 12 ans en matière criminelle et l'instauration d'un tribunal correctionnel pour les 16-18 ans.



Les conséquences de telles orientations n'ont manifestement pas été évaluées, pas plus qu'il n'a été tenu compte de l'avis très majoritaire des professionnels entendus. Par exemple, l'éviction des assesseurs non professionnels par la mise en place d'un tribunal à juge unique se heurte à la conviction générale des juges des enfants et des assesseurs, que la participation sous cette forme de citoyens volontaires et formés à l'oeuvre de justice est très satisfaisante. A l'évidence, la commission Varinard n'a pas travaillé dans un esprit de véritable concertation mais a surtout souhaité répondre à la commande politique exprimée sans fard par la Garde des sceaux lors de l'installation de cette commission le 15 avril dernier.



Le contexte dans lequel ces propositions s'inscrivent est également très inquiétant: les récentes déclarations du porte-parole de l'UMP visant à relancer l'idée d'un dépistage précoce des troubles du comportement chez les jeunes enfants, l'opération de gendarmerie dans un collège du Gers avec des chiens et donnant lieu à des palpations appuyées, montrent combien le regard de nombreux responsables sur la jeunesse est rétrograde et stigmatisant. De même, l’actuel désengagement de l'Etat du champ de la protection de l'enfance va laisser, de fait, sur le bord du chemin, de nombreux jeunes en danger qui ne pourront être pris en charge par les dispositifs départementaux de droit commun.



Le Syndicat de la magistrature appelle tous les adultes soucieux de l'avenir et de l'éducation de leurs enfants à se mobiliser afin que la société française renoue avec l'esprit humaniste de l'ordonnance du 2 février 1945 faite de solidarité et de responsabilité à l'égard des jeunes en difficulté. Est-il besoin de rappeler que la prise en charge éducative des enfants n'est en aucun cas une impunité face à des actes de délinquance mais un accompagnement responsable et humain, leur permettant notamment d'intégrer les interdits?



Le Syndicat de la magistrature affirme sa volonté de s'opposer fermement aux principales orientations de la commission Varinard qui nous feraient revenir à une époque où les jeunes commettant des actes de délinquance n'étaient appréhendés que sous l'angle du maintien de l'ordre public, au mépris de l'éducation.