La réaction – dans tous les sens du terme – ne se sera pas fait attendre : il aura suffi que la nouvelle garde des Sceaux, après avoir rappelé la nécessité de « la formation et (de) la réinsertion » des personnes détenues, annonce la suppression de ces tribunaux correctionnels que l'on dit « pour mineurs », pour que tout ce que la classe politique compte de gardiens du temple sécuritaire se mette en mouvement comme un seul homme.

De Marine Le Pen à François Bayrou, en passant par Éric Ciotti ou Bruno Beschizza, l’offensive en dit long sur le niveau d'automatisme affligeant atteint par les maîtres autoproclamés du , etc.

Les arguments énoncés – quand il y en eut – resteront probablement dans l'histoire de l'argumentation. Ainsi le président du Modem a-t-il déclaré : « Ce que le gouvernement oublie, c'est que dans l'ordonnance de 1945, il y a des cours d'assises pour mineurs ». Certes, mais ce que François Bayrou oublie, c'est que les crimes ne sont pas des délits et que dans ces cours d'assises il y a deux juges des enfants alors qu'il n'y en a qu'un dans le tribunal correctionnel pour mineurs... La palme, cependant, revient comme il se doit à Rachida Dati, jamais lasse de rappeler quelle ministre catastrophique elle fut : « Il est contre-productif aujourd'hui de vouloir supprimer ce dispositif efficace et voulu par les Français »… Tellement voulu par les Français qu'ils ont élu il y a quelques jours un président qui avait promis sa suppression, et d'une efficacité fantasmatique puisque rares sont les audiences qui ont eu lieu depuis la création de ce tribunal l'été dernier.

Tout se passe donc comme prévu : ceux qui ont échoué, après avoir entretenu l'illusion dangereuse de l'accroissement continu de la répression comme remède miracle à tous les maux de notre société, tentent de faire croire qu’il serait logique et souhaitable de poursuivre une telle politique.

Le Syndicat de la magistrature, quant à lui, a toujours combattu la destruction progressive de la justice des mineurs.

Il s’est ainsi opposé dès l’origine, avec de nombreux autres professionnels de la jeunesse, à la loi du 11 août 2011 permettant de juger certains mineurs comme des adultes – au prétexte fallacieux que les jeunes auraient « changé » – et remettant en cause deux principes fondamentaux de la justice des mineurs posés avec force par le Conseil National de la Résistance : sa spécialisation et la primauté de l'éducatif sur le répressif. Comme si la crainte d'une sanction supposée plus forte suffisait à dissuader des adolescents mal structurés de passer à l'acte !

Le Syndicat de la magistrature réaffirme son attachement au tribunal pour enfants – composé d'un juge des enfants et d'assesseurs spécialisés de la société civile – qui a amplement fait ses preuves pour répondre de manière adaptée à la délinquance des mineurs, sous réserve bien sûr que les moyens nécessaires soient fournis aux services éducatifs pour proposer des réponses diversifiées – ce qui n’a malheureusement pas été le cas ces dernières années…

Reste qu'une politique ne se mesure ni à l'aune des annonces d’un ministre, ni à celle des caricatures qu'elles suscitent, même si la violence des attaques dont Christiane Taubira fait l'objet dans la « réacosphère » depuis sa nomination – de fausses informations en préjugements d'incompétence, de sous-entendus racistes et sexistes en procès d'intention – révèle une volonté de discréditer d’emblée toute tentative de rompre avec la doxa sécuritaire.

Robert Badinter avait prévenu : il faudra du courage… La bataille ne fait que commencer. Pour le Syndicat de la magistrature, les choses sont claires : ni chèque en blanc, ni défiance de principe. Nous jugerons sur pièces : l’attente est à la mesure des régressions enregistrées depuis dix ans, le renoncement n’est pas une option.