Le 17 décembre 2009, 730 juges, soit un tiers de la magistrature serbe, ont été démis de leurs fonctions, ainsi que 100 procureurs ou procureurs adjoints. Dans le même temps, 876 autres juges et 88 procureurs adjoints ont fait l’objet d’une première nomination, pour une période probatoire de trois ans. La plupart de ces parquetiers sont des fonctionnaires, sans formation juridique particulière. Ces décisions ont pris effet le 1er janvier 2010.

La procédure de réexamen des nominations a été menée par le Haut Conseil de Justice, organe irrégulièrement composé : trois des membres prévus par la Constitution serbe de 2006 n’ont pas été désignés (un juge, un avocat et un professeur de droit).

Surtout, parmi les juges démis de leurs fonctions, se trouvent :
-* un tiers des membres du Conseil d’administration de l’Association des juges serbes[1], ainsi que la présidente de l’Association. Il convient de rappeler que l’Association s’est constituée en 1997, en réaction contre la conduite complaisante envers le pouvoir de certains magistrats en charge du contrôle des élections locales de 1996. A cette époque, l’Association n’avait pu obtenir son enregistrement et une trentaine de membres des organes dirigeants avaient été révoqués ;
-* de nombreux juges ayant été chargés d’affaires sensibles. Ainsi, tous les magistrats qui ont travaillé sur les procédures concernant des anciens dirigeants serbes : affaires relatives aux complices de M. Mladic ; assassinat de M. Djindjic (ancien premier ministre) ; procès de hooligans liés aux milieux nationalistes ; tentative d’assassinat de M. Drašković, impliquant notamment l’ancien chef des services de sécurité de Serbie…

De plus, le renouvellement des magistrats ou leur révocation devaient être basés sur les critères de « compétence, de formation et de mérite ». Or, la procédure a été conduite de manière expéditive. Les débats ont été secrets. Aucun magistrat concerné n’a été entendu. Aucune motivation n’a été formulée. Les listes arrêtées le 17 décembre comprennent même un magistrat décédé en octobre.

Pour défendre ces décisions, la Ministre de la Justice, Mme Malovic, a indiqué à la télévision que le Haut Conseil de Justice avait à sa disposition les rapports de la police et des services de renseignements. Interrogé sur cette question, un représentant du Haut Conseil a admis que dans certains cas, une information avait été demandée à la hiérarchie du parquet, et que celle-ci avait fait appel à ces sources au-dessus de tout soupçon…

Les avis de la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit, qui travaille dans le cadre du Conseil de l’Europe), consultée sur cette procédure, ont été ignorés. Par ailleurs, le Conseil consultatif des juges européens, saisi par l’Association des juges serbes, a rappelé que la révocation d’un magistrat ne pouvait s’analyser que comme une mesure disciplinaire, appelant à la mise en œuvre des garanties prévues par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Le Syndicat de la magistrature s’insurge contre les atteintes inadmissibles actuellement portées à l’indépendance de l’autorité judiciaire en République serbe.

Il appelle solennellement l’Union européenne, qui a reçu le 22 décembre 2009 la candidature de la Serbie à l’intégration, à prendre la mesure de cette régression et à exiger du gouvernement serbe le respect des principes de l’Etat de droit.

[[site de l’Association : http://www.sudije.org.yu/]]