Communiqué du Syndicat de la magistrature, suite à la publication de l'avis très critique du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans lequel nous revendiquons l'abrogation de la surveillance et de la rétention de sûreté

Rétention de sûreté : Supprimez la !
Jour de deuil pour notre démocratie, le 25 février 2008 a vu naître la rétention et la surveillance de sûreté, enfermement et contrôle sans limitation de durée, non pas en exécution d’une peine – déjà purgée – mais en raison d’une prétendue « dangerosité », concept flou que personne, encore aujourd’hui, ne sait définir avec précision et encore moins évaluer.
Ils étaient légions, surtout à gauche, à critiquer et dénoncer ces . Plus tard, le candidat François Hollande s’était engagé à supprimer la rétention de sûreté, et la ministre de la justice l’avait confirmé dans son discours devant la commission des lois de l’Assemblée nationale le 5 juillet 2012, puis, en décembre de la même année, devant le GENEPI.
Et aujourd’hui, toujours rien… Le gouvernement et le président de la République semblent frappés d’amnésie, et la suppression de ces mesures n’est pas prévue dans le projet de réforme pénale.
Alors que ce texte sera bientôt en débat devant l’Assemblée nationale, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) vient de rappeler – « électrochoc » salutaire, espérons-le – que ce système ne peut perdurer.
Dans un avis « relatif à la mise en œuvre de la rétention de sûreté » rendu public ce jour, il indique que quatre personnes ont été placées en rétention depuis le vote de la loi de 2008 – dont une par erreur… –, et ce non parce qu’une Cour d’assises l’aurait prévu dans une décision les condamnant, mais parce qu’elles n’ont pas respecté les obligations de leur surveillance de sûreté. Il s’interroge sur la compatibilité de ce motif de privation de liberté avec la CEDH, et indique qu’une « réflexion sérieuse » doit être menée à ce sujet.
Il précise en outre que ces personnes, qui ne peuvent en principe être traitées comme des détenus, sont soumises à un régime quasi carcéral, et qu’elles ne bénéficient d’aucune activité destinée à favoriser leur réinsertion – et donc la diminution de leur « dangerosité »… –, ni même d’une réelle prise en charge socio-médico-judiciaire, ce qui bien sûr interroge encore plus sur le bien fondé d’une telle mesure.
Contraire aux principes fondamentaux, la rétention de sûreté révèle ainsi, par sa mise en oeuvre, le but – démagogique – poursuivi lors de son adoption. L’avis du CGLPL, tout comme la visite effectuée à Fresnes le 6 décembre 2013 par deux sénateurs, démontrent en effet que la société n’est visiblement pas assaillie par une

« horde » de personnes « dangereuses » dont elle devrait se protéger, au besoin en piétinant ses principes fondateurs, et qu’en l’absence de tout programme de réinsertion, c’est bien « l’élimination sociale »

de ces personnes qui est recherchée.
Il n’est donc plus possible pour le pouvoir politique de se voiler la face, de s’abriter derrière une opinion publique fantasmée « qui ne comprendrait pas ». Qui ne comprendrait pas que l’abrogation de dispositions à ce point contraires aux principes gouvernant notre droit pénal, dont l’utilité n’est pas démontrée, et fondées sur une notion floue, est une évidence ? Ou qui ne comprendrait pas l’hypocrisie qu’il y a, pour une société qui a aboli la peine de mort, à maintenir la rétention de sûreté, sorte de mise à l’écart perpétuelle ?
L’examen du projet de loi « relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines » devra donc être l’occasion de supprimer la surveillance et la rétention de sûreté. Il est de la responsabilité des parlementaires d’abroger ces aberrations juridiques, maintenant !