Communiqué de presse commun à la suite de l'annonce par le Président de la République de la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle à l'ensemble des délits punis d'un an d'emprisonnement.

Organisations signataires : AGRRR, AIDES, Association nationale des Gens du voyages citoyens (ANGVC), (Association sociale nationale internationale des Tziganes (ASNIT), Asud, Fnasat-Gens du Voyage, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Médecins du monde, Police contre la prohibition, Principes actifs, SOS addictions, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la Magistrature (SM), Union syndicale Solidaires.

 

A Nice, dans un contexte de surenchère sécuritaire et populiste, Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, a présenté ses propositions sur la sécurité.

Parmi elles, figure la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) pour les délits sanctionnés par des peines inférieures à un an de prison.

Pourtant, les remontées des pratiques du recours à l’AFD démentent l’idée de simplicité et bafouent l’objectif de bonne administration de la justice que lui avait assigné le Conseil constitutionnel. 

Ainsi,

  • Le conseil des ministres du 13 janvier s’est réjoui de la délivrance en 2021 de 106 000 AFD (plus de 97% concernent le cannabis) pour usage de stupéfiants sans aucun examen de l’impact réel sur le phénomène social et sanitaire de l’usage des drogues. La France est le pays européen où la consommation de stupéfiants est la plus sévèrement réprimée et où le nombre de jeunes consommateurs est le plus élevé.

  • Après la généralisation de l’AFD pour l’usage de stupéfiants et les expérimentations en cours, pénalisant les occupations des parties communes d’immeuble et l’installation illicite de terrains par les Gens du voyage, d’autres infractions pourront faire l’objet de cette procédure. Le gouvernement vient même d’obtenir l’extension de cette AFD aux vols d’objets d’une valeur de moins de 300 euros ! Le choix de ce système centralisé et technocratique permet surtout de réprimer et de cibler toujours plus les publics des quartiers populaires, et plus généralement les personnes les plus vulnérabilisées,

  • La volonté affichée de multiplier les peines d’amendes prononcées continue à servir une « gouvernance par les nombres » en fixant des objectifs chiffrés aux forces de l’ordre, pour ensuite se glorifier de statistiques favorables avec un fort taux d’élucidation,

  • Sous couvert de simplification, on transfère les pouvoirs judiciaires entre les mains de la police et de la gendarmerie, ce qui comporte un risque de sanction arbitraire. C’est un acte de défiance envers l’autorité judiciaire, attentatoire à la séparation des pouvoirs et à l'état de droit, pour faire une politique du tout répressif.

Finalement, ce nouveau prototype d'une pénalisation automatique, sans contact humain, sans recours effectif à un juge, sans accès à la défense produit une érosion supplémentaire du sens de la justice et un sentiment d'injustice aux personnes ainsi réprimées. 

Cela contribue d’autant plus à détériorer les relations entre la police et la population ainsi que la confiance dans les institutions de la République.

L’effet d’annonce flatte incontestablement un certain électorat mais il révèle une conception irresponsable d’une politique pénale tout autant que celle en matière d’usage de drogues ou d’accueil des Gens du voyage.

Nos organisations demandent, au contraire, que ces politiques soient réfléchies sereinement et tiennent compte de toutes les études scientifiques, sociologiques et criminologiques sérieuses. Elles doivent aussi prendre en compte les droits des personnes concernées, comme le droit à la santé, ou à l’accueil digne et à l’habitat adapté pour les Gens du voyage…

Elles demandent la suppression de cette procédure inéquitable et arbitraire.

 

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