Se faisant l’écho des confidences distillées la veille par le chef de l’Etat à des parlementaires, le président du Sénat, puis un porte-parole de l’U.M.P., ont annoncé, le 5 mai, le « report » de la réforme de la procédure pénale.

Ces annonces sonnent le glas d’un avant-projet dangereusement bancal et d’une « concertation » réduite à l’accessoire alors que l’essentiel devait permettre au pouvoir exécutif, via les parquets, d’avoir la main sur la totalité des enquêtes pénales.

Personne, à vrai dire, n’a été surpris par la volte-face opportuniste du président de la République. Curieusement, en revanche, la Chancellerie continuer d’affirmer que « le calendrier sera respecté » et même, au risque du ridicule, que les propos présidentiels confortent son intenable position.

Le Syndicat de la magistrature se réjouit que la mobilisation historique des professionnels de justice et la vigilance de nombreux citoyens aient porté leurs fruits.

Il serait toutefois inacceptable que la question de la garde à vue fasse les frais de ce revirement tactique à l’approche des élections de 2012. En effet, cette mesure lourdement coercitive, devenue « un instrument banal de procédure » selon l’aveu du Premier ministre, apparaît comme le symbole de l’archaïsme de notre procédure pénale. Il est urgent d’en limiter le nombre et la durée, mais aussi de garantir pleinement les droits de tous ceux qui y sont confrontés.

Plutôt que de s’accrocher à ses illusions perdues, la garde des Sceaux serait bien inspirée de préparer une réforme de la garde à vue enfin conforme aux standards définis par la Cour européenne des droits de l’Homme et de s’atteler à la mise en œuvre le 1er janvier prochain de la collégialité de l’instruction. Ce dispositif, adopté le 5 mars 2007 à la suite du fiasco d’Outreau, a déjà vu son application repoussée, au prétexte de la réforme annoncée. Rien ne justifie plus désormais qu’on l’empêche de produire ses effets. Or, il nécessitera des moyens qui, pour l’heure, font cruellement défaut.