Sur les 29 % des personnes détenues qui travaillent - soit environ 20 000 personnes en moyenne annuelle - le travail en détention est constitué par le service général (52 %) correspondant au fonctionnement du service public pénitentiaire, le travail en concession pour le compte d’opérateurs privés (42 %) et le service de l’emploi pénitentiaire (6 %), opérateur qui gère 48 ateliers répartis dans 27 établissements pénitentiaires. 

La question du travail en détention est jusqu’à présent régie par deux textes assez synthétiques pour ne pas dire sibyllins : l’article 717-3 du code de procédure pénale et l’article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ils prévoient le principe du taux horaire minimum de rémunération fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance (SMIC) précisant que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail et que le travailleur détenu signe un « acte d’engagement » avec le chef d’établissement dans lequel sont énoncés les droits et obligations professionnels ainsi que les conditions de travail et la rémunération. Ainsi, aucune précision n’est en l’état donnée sur la nature et la portée des droits et obligations des travailleurs détenus ni sur les normes minimales à respecter en matière de conditions de travail, si ce n’est que l’acte d’engagement précise « les modalités selon lesquelles la personne détenue, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l’absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique prévues aux articles L 5132-1 à L 5132-17 du code du travail »

Le travail en détention est traversé par les tensions propres à l’emprisonnement en France. Fondamentalement, le détenu doit, pour obtenir le droit de travailler, montrer patte blanche à l’administration et se soumettre à son bon vouloir, sans pouvoir émettre de protestations lorsque certains principes pourtant essentiels sont bafoués ; l’administration peut modifier unilatéralement l’acte d’engagement, bien que le détenu ait signé cet acte ; l’administration pénitentiaire est fictivement considérée comme étant l’employeur, maintenant le condamné dans un bannissement symbolique contre-productif pour sa réinsertion. Alors que la détention a pour rôle de préparer le détenu à la sortie de prison, celui-ci reste cantonné à un rôle de sujet sans droits. Ce statut contribue au développement de pratiques au sein des établissements pénitentiaires aux marges de la légalité de la part de l’administration et des donneurs d’ordres.

Ces manquements en matière de droit du travail ont pu être relevés notamment dès l’année 2000 par la commission d’enquête sur les prisons de l’Assemblée nationale qui a dénoncé le fait que « l’absence de respect du droit du travail ruine la conception même du travail pénal comme outil d’insertion » ; ils sont à mettre en lien avec la baisse importante du taux d’emploi des personnes détenues qui est passé de 49,7 % des personnes détenues au début des années 2000 à 28,2 % en 2018. C’est ainsi tout le modèle économique du travail pénitentiaire qui montre dans son ensemble ses limites et nécessite une réforme digne de ce nom.

Pour répondre à ces critiques, et en lien avec les propos d’Emmanuel Macron le 6 mars 2018 lors de son discours à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, qui revendiquait le fait que « le lien qui unit l’administration pénitentiaire et le détenu travaillant en son sein » ne doit plus être « un acte unilatéral avec la négation de tous les droits », mais « un lien contractuel avec des garanties qui s’y attachent » et que l’« on ne peut pas demander à des détenus de respecter la société, de pouvoir se réinsérer en elle » si « on nie [leur] dignité et [leurs] droits », le PJL pour la confiance dans la justice vise à définir un réel statut du travailleur détenu, ce que nous ne pouvons que saluer. 

Ce texte crée ainsi le contrat d’emploi pénitentiaire et a pour objectif de consacrer un certain nombre de droits collectifs et personnels propres au travail ainsi qu’à aboutir à un code pénitentiaire. Toutefois, en raison de la forme utilisée, notamment le recours à l’article 38 de la Constitution et le passage par ordonnances, ainsi que compte tenu des imprécisions et vides du texte, de nombreuses interrogations demeurent sur la création d’un réel statut du travailleur détenu au risque au final de ne créer qu’une coquille vide.

Vous trouverez ci-joint nos observations détaillées sur cette partie du projet de loi, à jour de l'étude d'impact et de l'avis du Conseil d'Etat. 

Observations sur le travail en détention (292.41 KB) Voir la fiche du document