Procès en live sur Mediapart organisé avec le concours du Syndicat de la magistrature
Le procès des comparutions immédiates organisé avec le concours du Syndicat de la magistrature s’est tenu mercredi 28 juin sur le plateau de Mediapart.
Le tribunal a entendu les témoins :
- Pascale Pascariello, journaliste à France Culture
- Matthieu Bonduelle, vice-président au tribunal de grande instance de Créteil
- Louise Tort, avocate au barreau de Paris
- Mohamed Diallo, condamné en comparution immédiate
- Marylise Lebranchu, ancienne garde des Sceaux
- Frédéric Lauféron, directeur de l’APCARS
- Virginie Gautron, maître de conférence en droit pénal et sciences criminelles
- Arié Alimi, avocat en droit pénal et droit des affaires
- Sébastien Tertrais, père d’un condamné en comparution immédiate
- Paul Jean-François, psychiatre, expert près la cour d’appel de Paris
Clarisse Taron, avocate générale et présidente du Syndicat de la magistrature, a soutenu l’accusation et Georges Fenech, ancien député LR du Rhône, ancien magistrat devenu avocat, a eu la parole en dernier pour la défense des comparutions immédiates.
Les débats très riches ont montré que la procédure de comparution immédiate avait connu depuis sa création une extension continue de son champ d’application pour devenir en 2017 un mode de poursuite habituel. Les personnes poursuivies en comparution immédiate sont majoritairement des hommes, jeunes, étrangers ou d’origine étrangère, sans emploi, résidant dans des zones géographiques défavorisées. Selon le témoignage de Virginie Gautron, une recherche comparant des personnes placées dans des situations pénales identiques montre que la probabilité de faire l’objet d’une comparution immédiate est deux fois plus importante pour les chômeurs, trois fois plus pour les personnes nées à l’étranger et les personnes sans domicile fixe.
La proximité de l’audience par rapport aux faits empêche par essence la sérénité des débats. Cette procédure induit la difficulté pour les victimes de faire valoir leurs droits, réduit à néant le temps passé pour la défense, et aboutit à une piètre qualité du débat judiciaire. L’urgence, imposée par la procédure de comparution immédiate, entraîne mécaniquement le prononcé de peines plus lourdes, tant par leur nature que par leur quantum. Les débats ont démontré que des peines d’emprisonnement avec mandat de dépôt sont plus fréquemment prononcées, la probabilité d'être incarcéré étant huit fois plus importante en comparution immédiate, et que les alternatives à l’incarcération et les aménagements de peine très insuffisamment envisagés.
L’autorité judiciaire, en utilisant chaque jour la comparution immédiate à des fins de gestions des flux et d’évacuation des stocks, y compris pour des procédures complexes, l'a détournée de son objectif initial ; certes, la situation de pénurie des juridictions françaises ne permet pas de faire face, dans des délais raisonnables, au traitement des affaires correctionnelles, les délais d’audiencement atteignant dans certains tribunaux plus de 18 mois. Mais cette situation imputable à l’Etat ne saurait justifier que soient imposées aux justiciables une justice expéditive et expédiée.
C’est la raison pour laquelle le tribunal a, au terme de son délibéré, condamné la comparution immédiate à une peine de contrainte pénale.