Proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste : nos observations

Le Sénat a adopté le 25 mars en deuxième lecture la proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, texte choisi par le gouvernement parmi 3 autres propositions - Santiago, Rossignol et Louis - comme véhicule législatif pour faire passer sa réforme en matière de violences sexuelles sur mineurs.

La proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en séance publique le 15 mars 2021 aboutit à la création de trois nouvelles infractions : le crime de viol sur mineur de 15 ans, le crime de viol incestueux et l’agression sexuelle sur mineur de 15 ans ou incestueuse tout en maintenant l'existence du viol simple pouvant être aggravé par la minorité de la victime et les atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans et plus de 15 ans (dont il modifie, pour ces dernières, respectivement les peines encourues et la définition).

La nouveauté majeure de ce texte consiste dans le fait que les nouvelles infractions autonomes de crime de viol sur mineur de 15 ans, de crime de viol incestueux et d’agression sexuelle sur mineur de 15 ans ou incestueuse seront constituées sans que la question de la violence, menace, contrainte ou surprise, ne se pose lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins 5 ans quand la victime a moins de 15 ans et quand le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnées à l’article 222-31-1 exerçant sur le mineur une autorité de droit ou de fait (un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ou le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°) dans le cadre d'une infraction incestueuse, peu important alors la différence d'âge avec l'auteur des faits.
En outre, le texte prévoit l'instauration d'une prescription dite "glissante" qui consiste en la possibilité de passer outre la prescription si un second crime sexuel est commis avant la fin du délai de prescription de la première infraction, quand bien même ce second crime serait découvert après l'expiration du délai.

Nous avons insisté dans nos observations sur le fait que ce texte en instituant dans le même temps une telle présomption et une imprescriptibilité de fait, était source de déséquilibre de la loi pénale, nous interrogeant quant à sa conformité à la Constitution notamment en termes de lisibilité de la loi, d'égalité devant la loi et de légalité des délits et des peines.

Nous avons défendu la nécessité de repenser le traitement judiciaire des violences sexuelles sur mineur et plus globalement la politique publique en la matière plutôt que de voter une énième loi pénale sur le sujet, la difficulté en matière de violences sexuelles résidant plus dans le déroulement des enquêtes et dans l’insuffisance des moyens alloués à la justice des mineurs et des majeurs que dans une insuffisance présupposée de la réglementation en la matière, moins de trois ans après une évolution législative avec la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes du 3 août 2018. Au final, nous regrettons cet activisme législatif désordonné en matière de violences sexuelles sur mineur, dicté par la volonté politique d’afficher une réponse, sans avoir pu analyser les effets de la précédentes loi, et alors que vient de se mettre en place une commission indépendante sur l'inceste à laquelle il n'est même pas laissé le temps de commencer ses travaux avant le vote d'un texte.

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