Communiqué de presse au sujet de la note diffusée par la DSJ à tous les magistrats

Jeudi dernier, tous les magistrats de France ont reçu la bonne parole diffusée par la Direction des services judiciaires (DSJ) : celle-ci leur a adressé une note concernant les effets de la fusion des tribunaux de grande instance (TGI) - futurs tribunaux judiciaires - et des tribunaux d’instance - futures chambres détachées dénommées tribunaux de proximité -, présentant comme acquise une réforme qui est toujours en cours de discussion au parlement. Il n’y a pas lieu, aux yeux du gouvernement, de faire trop de cas de cette formalité - le vote par le parlement. Et de fait, la fusion a été adoptée dans la nuit de jeudi à vendredi dernier vers trois heures du matin par une poignée de députés. Le texte devra cependant revenir au Sénat avant d’être définitivement adopté par l’Assemblée nationale.


Il faut croire que le « PJL tour » de la garde des Sceaux et de ses directeurs d’administration centrale l’année dernière, à savoir des déplacements dans les juridictions pour convaincre les magistrats, fonctionnaires de greffe et avocats du bien fondé des projets de loi justice, n’a pas eu les effets escomptés : les professionnels étaient plus de 8000 à défiler mardi dernier à Paris pour le retrait de la réforme, sans parler des nombreux rassemblements en régions.


L’opération de communication se poursuit donc : elle ne saurait être efficace tant ce qui se lit entre les lignes concernant les effets réels de la réforme est lumineux, pour qui veut bien se donner la peine de ne pas s’arrêter aux éléments de langage, ou se laisser abuser par un vocabulaire volontairement abscons.


Selon les termes de la note, les juges d’instance vont seulement changer de nom, ils deviendront les juges des contentieux de la protection. Mais leurs compétences propres listées dans le projet de loi et exposées dans la note se réduisent comme peau de chagrin par rapport à celles du futur ex-juge d’instance. Aucun changement fondamental, laisse entendre la chancellerie, puisque l’ensemble de ces compétences seront confiées par décret aux « tribunaux de proximité », dans lesquels les juges des contentieux de la protection officieront. Quoi de plus facile à modifier qu’un décret, d’autant que la loi prévoit déjà que ces chambres auront des compétences variables sur décision des chefs de cour ?


De surcroît, ces tribunaux de proximité constitueront non plus des juridictions autonomes mais des chambres détachées des « tribunaux judiciaires ». Ces chambres détachées, affaiblies par la « mutualisation des greffes des juridictions », selon les termes décomplexés de la note, ne seront pas conservées, loin s’en faut, dans tous les « lieux de justice » où existent actuellement des tribunaux d’instance : comme le rappelle la DSJ, « lorsque les actuels tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance sont situés dans une même commune, ils deviennent un seul tribunal judiciaire ». Une précision est volontairement omise dans la note : 590 juges d’instance sur les 790 actuellement en poste travaillent dans des tribunaux d’instance ayant leur siège dans la même commune qu’un TGI, et seront ainsi reversés dans les « tribunaux judiciaires ». L’organisation des chambres détachées ne concernera ainsi que quelques 200 magistrats.


Un exemple pour illustrer ce savant mécanisme : c’est la loi qui fixe actuellement la compétence du tribunal d’instance pour les contentieux civils de moins de 10 000 euros, contentieux de proximité par excellence. Or, cette compétence n’est pas confiée au nouveau juge des contentieux de la protection. La DSJ assure dans la note qu’elle sera confiée par décret au tribunal de proximité distant du tribunal judiciaire… ce qui concerne seulement un quart des futurs juges des contentieux de la protection. Partout ailleurs, ce contentieux sera reversé au pot commun du « tribunal judiciaire », dans lequel le chef de juridiction aura toute liberté de le confier à un juge non spécialisé.


Quant à la possibilité de créer des pôles spécialisés à compétence départementale lorsqu’il y a plusieurs tribunaux judiciaires dans un département, elle implique que le maintien affiché de tous les sites judiciaires ne garantit en rien la proximité. En effet, le site le plus proche du domicile du justiciable ne se verra pas toujours attribuer la compétence relative au contentieux qui l’intéresse, et ce quand bien même il s’agirait d’une « affaire révélant une vulnérabilité personnelle, sociale ou économique».


L’objectif de la réforme – reverser dans le pot commun les juges d’instance et leur greffe – pour plus de « souplesse », selon les termes employés par la chancellerie lors de nos entretiens avec la ministre, est très clair. La liste des contentieux prioritairement traités dans les juridictions - le pénal et les affaires familiales - est bien connue. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que la chancellerie anticipe avec confiance les dernières heures de la justice de proximité.

 

 

L'intégralité du communiqué est à lire en pièce jointe sur la colonne de droite.

La chancellerie vend la peau du tribunal d'instance avant de l'avoir tué (105.44 KB) Voir la fiche du document