Répression des violences sexuelles, allongement la prescription, présomption de non consentement pour les mineurs : notre analyse

Publié le 20 décembre 2017

Observations du Syndicat de la magistrature devant le groupe de travail sénatorial sur les violences sexuelles

Le Syndicat de la magistrature a été entendu récemment par Marie Mercier et Laurence Rossignol, membres du groupe de travail sur les infractions sexuelles duSénat.
Vous trouverez ci-joint les observations que nous avons développées.
Sur les pistes de réforme défendues par le gouvernement, nous avions adressé un courrier à la garde des Sceaux et à la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes et demandé à être entendus, courrier demeuré sans réponse, alors même que le gouvernement prétendait vouloir consulter les acteurs sur ce sujet.
Le Syndicat de la magistrature estime qu'il reste encore du chemin à parcourir pour une meilleure répression des violences sexuelles, mais que les solutions ne passent que très peu par des modifications législatives. Nous avons rappelé devant la mission nos arguments contre l’allongement de la prescription, déjà fixée à 20 ans après la majorité pour nombre d'infractions sexuelles sur les mineurs, et contre l’instauration d’un seuil d’âge en deçà duquel serait instaurée une présomption irréfragable de non consentement. Nous avons souligné que, face aux difficultés d'administration de la preuve, il convenait de prendre les mesures de prévention, d'accompagnement et de formation des professionnels permettant d’une part que les victimes puissent s’exprimer, et d’autre part que leur parole soit recueillie dans les meilleures conditions.
Nous avons proposé une modification de l’incrimination des viols et agressions sexuelles, par la référence au non consentement de la victime, et à la conscience que l’auteur pouvait raisonnablement avoir de cette absence de consentement, ce qui ne modifierait pas le champ des actes punissables mais présenterait l'avantage d’une plus grande clarté dans l’expression de l’interdit que les notions de contrainte, menace, violence ou surprise. Nous avons par ailleurs fait part de notre hostilité aux pratiques de correctionnalisation massives qui ont été facilitées par les dispositions de la loi du 9 mars 2004.
Les échanges avec la sénatrice Laurence Rossignol nous ont révélé une étonnante conception des rôles respectifs du législateur et de l’institution judiciaire dans un Etat de droit : alors que nous exposions l’inconvénient majeur qui résulterait de la présomption irréfragable de non consentement, à savoir l’injonction absolue faite au juge de condamner pour viol - puni de 20 ans de réclusion criminelle - tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de 15 ans, y compris dans le cas d’une relation sexuelle consentie entre une mineure âgée de 14 ans et un jeune majeur de 18 ans, elle balayait l’argument en nous répondant que le procureur pouvait toujours classer l’affaire sans suite.
Au moins la réponse a-t-elle le mérite de la clarté pour exprimer une dérive qui traverse l’ensemble des textes adoptés ces dernières années en matière de justice, de droits et de libertés : le législateur n’est pas comptable des conséquences concrètes de ce qu’il vote et des atteintes aux droits qui en résultent, et renvoie au magistrat - par ailleurs sempiternellement accusé de ne pas appliquer la loi dans le sens attendu - le soin de classer sans suite en opportunité des faits que lelégislateur aura lui-même érigé en viol punis de 20 ans de réclusion criminelle...
A l'occasion du débat parlementaire, nous ne manquerons pas de rappeler l'attention que porte déjà l'institution judiciaire à ces affaires, la nécessité d'adopter une législation équilibrée en matière pénale, qui n'enserre pas le juge dans des formes d'automatisme présentant au demeurant un risque majeur d'inconstitutionnalité et la nécessité de renvoyer à une mutation des structures de notre société plus que de sa législation.

L'intégralité des observations figure en pièce jointe.

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