Depuis plusieurs années, les rapports accablants s’accumulent sur l’état des prisons françaises. En 1999, déjà, une commission d’enquête parlementaire dénonçait cette « humiliation pour la République ». En novembre 2008, le Commissaire européen aux droits de l’Homme fustigeait, encore, les « conditions inacceptables de détention » dans nos établissements pénitentiaires. Cette réalité, longtemps occultée, est aujourd’hui connue, à défaut d’être prise en compte.



Ce que l’on sait moins, c’est qu’il existe dans certains palais de justice des lieux, significativement appelés « dépôts », où des personnes en attente de jugement ou de comparution devant un magistrat sont enfermées, pour une durée maximale de 20 heures, souvent la nuit, dans des conditions tout aussi inadmissibles.



Plusieurs évènements récents éclairent l’abandon de ces locaux.


Au tribunal de Bobigny, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a constaté, le 13 octobre 2008, des conditions d’hygiène « indignes », l’absence de matelas et de couvertures, des sanitaires hors d’usage, des fuites d’eau, l’absence de confidentialité des entretiens avec les avocats et les travailleurs sociaux, le non-respect de l’intimité lors des fouilles…


Le 27 octobre 2008, six magistrats ont observé que les conditions de détention au « dépôt » du tribunal de Créteil n’étaient « pas conformes aux règles minimales de salubrité et d’hygiène ». Leur rapport dénonçait notamment la situation des cellules, toutes dégradées, mesurant 7 à 8,5 m2, où il arrivait que 5 hommes soient détenus en même temps, avec des toilettes sans séparation et une aération insuffisante…



A la suite de cette visite, des procédures ont été annulées et ces locaux ont été fermés. Le Procureur de Créteil a pris l’intiative de les rouvrir, mi-avril, avant même la fin des travaux entrepris et la visite du Comité d’hygiène et de sécurité… Résultat : les lieux ont été investis par des rats !



Plus récemment, à l’invitation de la Conférence du stage et du Bâtonnier, des avocats ont demandé l’annulation de plusieurs procédures en invoquant l’état du « dépôt » du palais de justice de Paris. Un magistrat du tribunal correctionnel s’y est donc rendu. Son rapport était débattu aujourd’hui à l’audience. Il confirme ce que les avocats avaient eux-mêmes constaté.



Il a notamment été relevé qu’une cellule dite « d’avant-fouille » pouvait contenir jusqu’à 40 personnes pendant 4 heures, avec un muret minuscule en guise de séparation des toilettes. Etrangement, cette salle a été fermée pour travaux quelques jours avant la visite… Il existe par ailleurs des cellules collectives de moins de 3 m2 contenant des lits superposés constitués de lattes en bois. Etrangement, toutes ces cellules seraient équipées de matelas depuis quelques jours… La visite a eu lieu le 13 mai. Etrangement, le Procureur de Paris et le député Philippe Houillon y sont allés la veille… pour dire que la situation n’était pas « apocalyptique ». Il est vrai que dormir sans couverture, ne pas pouvoir se laver (4 douches pour 121 personnes), être enfermé dans une cage avant de voir le Procureur (cellules grillagées de 2 m2)… ce n’est pas la fin du monde !



Toutes ces initiatives n’ont pas été vaines. Des crédits auraient été débloqués. Mais on est loin du compte.



Le Syndicat de la magistrature dénonce l’indignité des conditions de détention des personnes déférées, résultat d’une politique pénale absurde obsédée par la comparution immédiate. Il appelle l’ensemble des magistrats à exercer leurs prérogatives en allant visiter les « dépôts » et à en tirer toutes les conséquences, au regard notamment de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui dispose, faut-il le rappeler :



« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».




En complément :

Ci-dessous, et en pièce jointe, le communiqué de presse sur les "dépôts" de Paris, Bobigny et Créteil (en relation notamment avec une audience du tribunal correctionnel de Paris qui se tient aujourd'hui après la visite du "dépôt" par un magistrat).

Egalement, en pièce jointe, les courriers adressés à ce sujet à MM. Jean-Claude Magendie et Laurent Le Mesle, respectivement Premier Président de la Cour d'appel de Paris et Procureur Général près la Cour d'appel de Paris.

Le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur le "dépôt" de Bobigny est accessible en cliquant sur le lien suivant :

http://www.cglpl.fr/2009/recommandations-du-3-avril-2009-relative-au-depot-du-tribunal-de-grande-instance-de-bobigny/

Le rapport de plusieurs magistrats concernant le "dépôt" de Créteil est accessible en cliquant ce lien :

[http://www.syndicat-magistrature.org/spip.php?article791&varrecherche=creteil->http://www.syndicat-magistrature.org/spip.php?article791&varrecherche=creteil]

Le rapport de la Conférence du stage sur le "dépôt" de Paris est accessible en cliquant sur le lien suivant i:

http://laconference.typepad.fr/files/rapport-des-secretaires-au-co.pdf

Egalement en pièce jointe, le compte-rendu de la visite du dépôt et de la "souricière" du palais de justice de Paris le 10 décembre 2008 effectué par les sections syndicales USM ET Sm de Paris.