L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de rendre son rapport sur l’état de la lutte contre la corruption internationale – et, comme on pouvait s’y attendre, il est très critique à l'égard de la France.

Ainsi, le groupe de travail de l'OCDE se dit

"préoccupé par le très faible nombre de condamnations pour corruption d'agents publics étrangers prononcées en France" - seulement cinq en douze ans ! - et par la "faiblesse des moyens affectés aux enquêtes". Il estime que la France, "en dépit de décisions judiciaires à l'étranger concernant certaines entreprises françaises, ne semble pas exercer avec toute la vigueur attendue son action répressive dans de tels dossiers"

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Pour les professionnels, ces conclusions ne constituent pas, il s’en faut de beaucoup, une surprise : toute personne qui, de près ou de loin, a suivi l’évolution de la politique menée depuis une dizaine d’années contre ce type de criminalité connaît la destruction méthodique des moyens et des outils qui a été opérée.

Le Syndicat de la magistrature a signé, en juin dernier, l’appel "Agir contre la corruption" lancé dans Le Monde par une centaine de magistrats de tous horizons, spécialisés dans la lutte contre les infractions économiques et financières, afin de dénoncer la régression scandaleuse qu’ils constataient en la matière.

Les moyens pour améliorer la situation sont pourtant clairement identifiés et d’un coût modeste : réforme du statut du parquet pour donner aux procureurs de la République l’indépendance nécessaire pour une application de la loi égale pour tous, la récente circulaire de politique pénale ne pouvant suffire ; suppression du monopole du parquet pour la poursuite des faits de corruption commis à l’étranger ; droit pour les associations dont l’objet statutaire est la lutte contre les atteintes à la probité publique de se constituer partie civile ; compétence de l’autorité judiciaire pour apprécier le caractère "secret défense" d’une information nécessaire à la poursuite d’une enquête ; protection des fonctionnaires et des lanceurs d’alerte qui signalent des infractions à la probité ; incrimination du trafic d’influence visant des agents publics étrangers.

Par ailleurs, la France devrait agir dans l’Union européenne, notamment pour la création d’un parquet européen et pour une action résolue contre les paradis fiscaux et judiciaires.

Aussi le Syndicat de la magistrature appelle-t-il le gouvernement, ainsi que le parlement, à se saisir sans tarder de l’ensemble de ces questions : la France ne peut pas, dans ce domaine comme dans d’autres, continuer à adopter une posture pusillanime et à être montrée du doigt par l’ensemble des institutions européennes et internationales.

Cela commence d’ailleurs bien mal : l’Ecole nationale de la magistrature vient de supprimer une de ses deux sessions de formation à destination des magistrats, consacrée à la lutte contre la corruption, officiellement

"pour raisons budgétaires"... La garde des Sceaux, qui stigmatisait récemment, dans Le Monde, le démantèlement "très cohérent"

par l’ancienne majorité des instruments de lutte contre la criminalité financière, laissera-t-elle faire ?


Lien vers le rapport rendu public ce jour :

http://www.oecd.org/fr/corruption/corruptiondanslesmarchesinternationaux/france-conventiondelocdesurlaluttecontrelacorruption.htm