Nouvelle prise de position du Conseil constitutionnel sur la visioconférence en matière de détention provisoire

Notre communiqué de presse au sujet de l'entrée en vigueur de la loi de programmation

Une décision qui sonne comme une petite victoire en faveur d’une justice sans écran...
Saisi sur question prioritaire de constitutionnalité (QPC), à laquelle le Syndicat de la magistrature s’était joint, le Conseil constitutionnel prononce l’inconstitutionnalité des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 706-71 du Code de procédure pénale (dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 1er décembre 2016 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale) permettant de recourir à la visioconférence, sans consentement de la personne placée en détention provisoire, au cours de l’examen des demandes de mise en liberté dont est saisie directement la chambre de l’instruction, en ce qu’elles portent une atteinte excessive aux droits de la défense.
Dans la continuité de sa décision du 21 mars 2019, censurant les dispositions de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice (qui supprimaient initialement l’obligation de recueillir l’accord de l’intéressé pour recourir à la visioconférence dans les débats relatifs à la prolongation d’une mesure de détention provisoire), le Conseil constitutionnel réaffirme l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant une juridiction dans le cadre d’une procédure de détention provisoire.


...mais une décision qui résonne comme la consécration d’une justice managériale.
Par un écran de fumée ou plutôt un manque de cran, les juges constitutionnels motivent cette censure en affirmant que le texte est applicable en matière criminelle, en la justifiant par le fait que la « personne placée en détention provisoire pourrait se voir privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire ».
Pire encore, en faisant prévaloir pour tous les autres cas la bonne administration de la justice et le bon usage des deniers publics, alors qu’il est question de la liberté de justiciables présumés innocents, la visioconférence est ainsi avalisée sur la base d’une politique exclusivement orientée vers des objectifs gestionnaires et d’économie de moyens, en l’occurrence la réduction des escortes, au détriment de l'indépendance du juge dans le choix du recours à cette modalité.
L’institutionnalisation galopante de la visioconférence dans quasiment toutes les activités juridictionnelles apparaît hors de contrôle, alors qu’elle porte en elle cette « justice à distance », déshumanisante, où le justiciable deviendra le spectateur de l’audience et le juge le présentateur de débats démembrés.
Prenons garde, nous sommes à seulement quelques clics d'une justice pixélisée.