Atteintes à l'action syndicale et au mouvement social

Sainte-Soline : Déferlement de violences sur les défenseurs du vivant et de la paix

Du vendredi 24 mars au dimanche 25 mars, des mobilisations contre le projet des « mega- bassines » à Sainte-Soline ont réuni près de 30 000 manifestant.es.

Avant même le début des manifestations, le ministre de l’Intérieur annonçait « il n’y aura pas de ZAD à Sainte-Soline », désignant les mobilisations à venir comme des actions de « l’ultra gauche et de l’extrême gauche », reprenant des termes policiers pour désigner les militant.es écologistes, rappelant que « ce ne sont pas les forces du désordre qui vont l’emporter ».

Le déploiement démesuré des forces de l’ordre sur place est venu confirmer que le ministre de l’Intérieur ne visait pas simplement à sécuriser une manifestation mais bien à la réprimer, comme l’avait fait en son temps le Premier ministre Manuel Valls face aux manifestant.es qui défendaient la zone humide du Testet à Sivens.

Les observateurs et observatrices sur place indiquaient dans leur première synthèse, « dès l’arrivée des cortèges sur le site de la bassine, les gendarmes leur ont tiré dessus avec des armes relevant de matériels de guerre : tirs de grenades lacrymogènes, grenades assourdissantes, grenades explosives de type GM2L et GENL, y compris des tirs de LBD40. Nous avons observé des tirs au LBD40 depuis les quads en mouvement ».

Le bilan est sidérant : plus de 200 blessé.es graves, un jeune de 30 ans dans le coma atteint à la tête le samedi à 13 heures 30 et un deuxième manifestant touché à la trachée avec un pronostic vital engagé. Les observateurs et observatrices rapportent que les secours n’ont pas pu accéder à la zone et les blessé.es n’ont pu être évacué.es, les élu.es présent.es sur place essayant de protéger les blessé.es ont été gazé.es.

Le ministre de l’Intérieur a immédiatement fait le tour des plateaux de télévision pour annoncer la présence d’individus connus des services de renseignement et dénoncer la radicalité des participant.es afin de justifier les violences de la part des forces de l’ordre et favoriser une impunité généralisée, quitte à prétendre qu’aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre, à l’inverse de certains casseurs, faisant encore une fois l’amalgame entre manifestant et délinquant.

Aucune leçon n’a été tirée de la mort de Rémi Fraisse, jeune militant écologiste tué par une grenade offensive OFF1 lancée en cloche dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre 2014 par un gendarme qui tenait un terrain vide.

Il n’est plus de doute désormais : la gestion du maintien de l’ordre en France tue, mutile et blesse gravement des centaines de manifestant.es.

Nos organisations demandent à ce qu’une commission d’enquête soit immédiatement ouverte pour faire toute la lumière sur ces événements, qu’un moratoire sur la construction des mega-bassines soit ordonné, que les manifestant.es ne soient pas inquiété.es par des poursuites pénales, que des informations judiciaires soient ouvertes et que les magistrat.es puissent faire leur travail en toute indépendance sur les circonstances qui ont donné lieu à ces violences.

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Les images de la répression policière des manifestations dénonçant l’utilisation de l’article 49-3 dans le cadre de l’examen d’une réforme qui a suscité une très forte mobilisation depuis plusieurs semaines sont choquantes. Nous avons vu ces scènes indignes d’une démocratie : des policiers exerçant des violences illégitimes contre des manifestants et des street medics, des interpellations collectives de manifestants enjoints de s’assoir par dizaines à terre, mains sur la tête, des journalistes faisant leur métier menacé·es ou brutalisé·es.

Mais derrière ces images terrifiantes, il y a les décisions qui les sous-tendent et les mécanismes institutionnels à l’œuvre : des directives données par le ministre de l’Intérieur à tous les préfets de France, et des forces de sécurité intérieure sommées de réprimer les manifestations qui s’organisent dans de nombreuses villes pour exprimer la colère sociale face au déni de démocratie. Le Gouvernement continue de mépriser le mouvement social et la violence ne fait que croître.

Des centaines d’interpellations et de mesures de garde à vue ont été décidées depuis jeudi dernier. La très grande majorité de ces mesures n’a reçu aucune suite judiciaire (à Paris, après la manifestation de jeudi place de la Concorde, sur 292 gardes à vue de manifestant·es, seules 9 ont donné lieu à des poursuites pénales).

Nous ne devons pas nous satisfaire de cette présentation de façade d’une autorité judiciaire assumant son rôle en ne donnant pas suite à des mesures policières infondées. Ces chiffres montrent que les forces de sécurité intérieure utilisent très abusivement la garde à vue, déclinaison concrète d’une volonté politique de museler la contestation en brisant les manifestations en cours et en dissuadant – par la peur –  les manifestations futures.

Que peut l’autorité judiciaire face à cette violence d’État ? Comment incarner l’institution constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle, et donc chargée de contrôler les mesures privatives de liberté et de mettre un terme à celles qui seraient infondées ?

Jouer pleinement notre rôle doit nous conduire à refuser le détournement de la procédure pénale au profit du maintien de l’ordre, à refuser de donner un vernis judiciaire à des opérations de police qui ne sont plus au service de la protection de la population mais de sa répression. Notre place n’est pas dans les salles de commandement car en nous associant aux autorités de police en amont de la réponse judiciaire, nous contribuons à la pénalisation du mouvement social et nous nous privons de notre capacité de contrôle en aval. Notre place n’est pas au côté des préfets pour préparer la répression des manifestants mais de protéger les justiciables dans l’exercice de leur citoyenneté. Notre contrôle de toutes les procédures initiées lors des manifestations doit être exigeant et minutieux.

Apprenons de nos expériences passées, l’indignation ne suffit pas : il est aujourd’hui évident que lors du mouvement des gilets jaunes, l’institution judiciaire s’est mise au service d’une répression violente du mouvement social. Le rôle de l’autorité judiciaire est de garantir les droits et libertés des personnes. Nous devons donc les protéger dans l’exercice de droits essentiels à la démocratie : la liberté d’expression et de manifestation.

 

L’autorité judiciaire n’est pas au service de la répression du mouvement social (61.67 KB) Voir la fiche du document

Dans la perspective d’un nouvel examen du texte, nous avons signé avec une cinquantaine d’organisations un appel contre ce projet de loi, qui porte atteinte à la liberté d’association et porte le ferment de la division. Cet appel est publié par le journal Libération. 

 

Projet de loi confortant le respect des principes de la République : il est encore temps (172.86 KB) Voir la fiche du document

Les atteintes aux libertés fondamentales sont légion ces derniers mois, de même que les idées d'extrême-droite souillent les débats publics alors que nous sommes qu'au début de la campagne électorale. Ces atteintes et ces souillures fondent les discours politiques dominants mais surtout, à force, pénètrent les esprits d'un grand nombre de citoyens de sorte que la défense de l'Etat de droit et la dénonciation des inégalités deviennent inaudibles.

Le syndicat s'est donc associé aux côtés d'une mosaïque de syndicats, d'associations et de partis politiques à l'organisation d'unemanifestation - qui va se dérouler le 12 juin 2021 dans toute la France et dont les modalités vous seront précisées prochainement- (appel à lire ici), l'idée commune étant de pouvoir reprendre la main dans un espace politique aujourd'hui squatté par des appareils ayant perdu leur boussole démocratique.