Numérique, surveillance et fichage

Censure par le Conseil constitutionnel de l’espionnage à distance :

l’arbre qui cache la forêt (en cendres)

 

Consensuels car censés répondre à des centaines de milliers de « consultations », urgents et ambitieux car censés réparer et moderniser une justice en état de délabrement avancé, les deux projets de loi justice qui viennent, hier, de passer le filtre du Conseil constitutionnel n’auront finalement eu droit qu’à une procédure parlementaire à marche forcée, au coeur de l’été. Car finalement, pourquoi débattre si tout le monde est d’accord ?

Le vernis démocratique s’est cependant vite craquelé et, mise à part la nécessaire augmentation budgétaire, rien ou presque de ces quelques deux cent pages de loi dans leurs versions finalement adoptées, ne correspond vraiment aux attentes les plus partagées dans le monde de la justice. Si le comité des « états généraux de la justice » invitait à une réforme ambitieuse et systémique pour que, « libérée de la simple préoccupation de la gestion de flux insoutenables dans un contexte de pénurie de moyens, la justice [puisse] alors répondre aux attentes légitimes des justiciables en matière de célérité et de qualité de ses décisions », la cohérence et la narration initiale sont bien difficiles à retrouver dans le contenu de ces deux textes : déjudiciarisation, précarisation de l’institution et de ses agents, éparpillement des missions, fuite en avant sécuritaire, visio-audiences, déconstruction de l’accès au juge et des droits de la défense, mise au pas des magistrats et de leurs syndicats...

Faussement consensuels, ces textes ne seront donc pas non plus constitutionnels. Le Conseil constitutionnel – qui n’aura eu pour sa part que quelques jours pour examiner ces textes tentaculaires – s’est en effet fort heureusement saisi de son rôle de garde-fou à la lecture de certaines des pires dispositions, dont l’une qui permettait d’espionner à distance, via les caméras et micros de tout objet connecté, les personnes (et leurs proches) suspectées de certaines infractions. De la même façon, sur les visio-audiences en outre-mer depuis la métropole, le Conseil a énoncé un principe essentiel qui coupera court à une tendance mortifère pour la justice : « la présence physique des magistrats composant la formation de jugement durant l’audience et le délibéré est une garantie légale des droits de la défense et du droit à un procès équitable ».

Mais au-delà de censures très ponctuelles et de quelques réserves d’interprétation bienvenues, ces deux lois sont donc, pour l’essentiel, promises à une entrée en vigueur rapide, permettant aux tribunaux de regoûter aux affres du grand chambardement sans anticipation ni accompagnement, alors que les réformes de 2019 issues des chantiers de la justice sont à peine digérées.

 

CP décision conseil constitutionnel loi programmation loi organique 2023 (55.79 KB)


L'observatoire des libertés et du numériques (OLN), dont le Syndicat de la magistrature est membre, a également adopté un communiqué de presse que vous trouverez ci-dessous :

CP OLN - Censure du mouchard, l'OLN ne crie pas victoire (38.42 KB)

 

Notre communiqué de presse collectif à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs dispositions de la loi sécurité globale.

 

La loi dite sécurité globale a été votée le 15 avril 2021 et le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs ainsi que par le Premier ministre, lequel a du reste seulement visé l'article anciennement 24 relatif au délit de diffusion du visage ou de tout élément permettant l'identification d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de gendarmerie

Depuis le début du processus législatif, nous sommes activement impliqués, aux côtés d'autres organisations regroupées au sein de la Coordination Stop Loi Sécurité Globale, dans le décryptage et la dénonciation de ce texte liberticide. Cette loi a en effet ceci de particulier qu’elle marque un tournant significatif dans l’histoire pénale, en sublimant le combo pouvoirs policiers / surveillance technologique de masse / privatisation de la sécurité, sans toutefois constituer un basculement nouveau dans la construction de l’édifice sécuritaire puisque celui-ci a été profondément densifié depuis de nombreuses années. Au fond, cette loi symbolise la quintessence du continuum sécuritaire, et non pas de sécurité comme le présentent ses concepteurs. Nous avons d'ailleurs développé, dans une tribune publiée dans Le Monde (ici), comment cette loi acte le passage dans un Etat de police, sur fond de « safe city », d’accoutumance technologique et d’impératif de vigilance.

C'est logiquement que nous avons donc rédigé une contribution extérieure en commun avec le Syndicat des avocats de France, la Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l'Homme, l'association Droit Au Logement, la CGT et Solidaires, que nous avons déposée au Conseil constitutionnel, et consultable ici

Vous trouverez ci-joint notre communiqué de presse collectif à la suite de la décision rendue par le Conseil constitutionnel. 

Loi sécurité globale : camouflet pour le gouvernement, demi victoire pour les libertés (451.44 KB) Voir la fiche du document

La loi dite sécurité globale a été votée le 15 avril 2021 et le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs ainsi que par le Premier ministre, lequel a du reste seulement visé l'article anciennement 24 relatif au délit de diffusion du visage ou de tout élément permettant l'identification d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de gendarmerie

Depuis le début du processus législatif, nous sommes activement impliqués, aux côtés d'autres organisations regroupées au sein de la Coordination Stop Loi Sécurité Globale, dans le décryptage et la dénonciation de ce texte liberticide. Cette loi a en effet ceci de particulier qu’elle marque un tournant significatif dans l’histoire pénale, en sublimant le combo pouvoirs policiers / surveillance technologique de masse / privatisation de la sécurité, sans toutefois constituer un basculement nouveau dans la construction de l’édifice sécuritaire puisque celui-ci a été profondément densifié depuis de nombreuses années. Au fond, cette loi symbolise la quintessence du continuum sécuritaire, et non pas de sécurité comme le présentent ses concepteurs. Nous avons d'ailleurs développé, dans une tribune publiée dans Le Monde (ici), comment cette loi acte le passage dans un Etat de police, sur fond de « safe city », d’accoutumance technologique et d’impératif de vigilance.

C'est logiquement que nous avons donc rédigé une contribution extérieure en commun, que nous allons déposer aujourd'hui devant Conseil constitutionnel. Une conférence de presse va se dérouler à cette occasion, Place Colette à Paris le 29 avril 2021 à 17h00, avec les autres syndicats et associations qui ont rédigé cette porte étroite, à savoir le Syndicat des avocats de France, la Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l'Homme, l'association Droit Au Logement, la CGT et Solidaires. 

CP dépôt contribution extérieure PPL SG (44.54 KB) Voir la fiche du document

Contribution extérieure devant le CC pour la PPL sécurité globale (778.5 KB) Voir la fiche du document