Justice internationale

Colloque MEDEL - 31 mai 2024

Le rôle des magistrats dans la construction démocratique - une perspective européenne

 

Inscriptions par mail jusqu'au 28 mai à l'adresse : inscriptions@medelnet.eu 

 

Présentation du colloque :

Quelle place occupent aujourd’hui les magistrats dans l’édification et la pérennité des régimes démocratiques ?

Dans un contexte national où la culture politique demeure marquée par le bonapartisme et l’hégémonie du pouvoir exécutif, la question pourra paraître incongrue à certains. Dans une perspective européenne, elle apparaît pourtant aussi évidente que fondamentale. Depuis la libération, les tribunaux y sont en effet considérés comme l’un des piliers de l’ordre juridique humaniste mis en place sur le continent en réaction aux violations massives de droits humains commises durant la seconde guerre mondiale. Un ordre juridique qui, comme le rappelle le préambule du statut fondateur du Conseil de l’Europe du 5 mai 1949, promeut l’idée que « toute démocratie véritable » se fonde non seulement sur les « principes de liberté individuelle, de liberté politique », mais également sur celui de « prééminence du droit » et, notamment, des libertés garanties par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Une conception faisant écho à celle portée au sein d’une Union européenne très officiellement « fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme » (Article 2 du Traité sur l’Union européenne).

Or, pour assurer une telle prééminence, les juges et procureurs se retrouvent nécessairement en première ligne. A l’approche des élections au Parlement européen, il nous apparaît ainsi utile de mettre à nouveau en lumière les fondements, les modalités et les limites du rôle des magistrats dans la préservation de l’Etat de droit démocratique. Car ce dernier reste plus que jamais, sinon à sauvegarder, du moins à consolider. Et, comme le montrent notamment les exemples de la Pologne et de la Hongrie, les magistrats qui entendent garantir à leurs concitoyens le règne de la loi (pour reprendre l’expression anglo-saxonne) se doivent parfois de mener un véritable combat institutionnel qui les exposent personnellement. Dans ce combat, les liens qu’ils peuvent nouer directement avec d’autres acteurs de la société civile s’avèrent bien souvent déterminant de leurs succès et, plus largement, de la vitalité démocratique du débat public. Mais un tel engagement suscite en retour des questionnements légitimes sur son articulation avec les devoirs d’indépendance et d’impartialité que les juges et procureurs se doivent par ailleurs d’observer. A cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme nous rappelle que « la liberté d’expression des juges s’agissant des question concernant le fonctionnement du système judiciaire peut se transformer en devoir de s’exprimer publiquement pour la défense de l’Etat de droit et de l’indépendance de la Justice quand ces valeurs fondamentales sont menacées » (Cour EDH, ŻUREK v. POLAND, n°39650/18, 16 juin 2022, n°222). Comment mettre en pratique ces principes ? Comment faire vivre le dialogue entre les citoyens et leurs juges au bénéfice de la démocratie ? Telles sont les autres questions que, parmi d’autres, l’association Magistrats européens pour la Démocratie et les libertés (MEDEL) et le syndicat de la magistrature proposent de soumettre au débat à l’occasion du présent colloque.

 

Programme

10 h : Accueil par le président du tribunal judiciaire de Paris

10h15 : Ouverture du colloque par la présidente du Syndicat de la Magistrature

10h30 : les magistrats garants de l’Etat de droit démocratique, sous la présidence de Simone Gaboriau, magistrate honoraire

  • Introduction historique : la place du juge dans la construction de l’ordre juridique européen à la Libération - Mathieu Touzeil-Divina, professeur de droit public et Sophie Prosper, docteur en droit privé
  • "Défendre l'indépendance de la justice par le contentieux. Comment éviter que l'État de droit ne se politise ?" - Carsten Zatschler SC Senior Counsel
  • La mobilisation du droit européen dans la protection des libertés des citoyens : une arme à double tranchant
    • L’exemple du droit de la consommation - Simon Chardenoux, Juge
    • La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et les droits économiques et sociaux - Ismaël Omarjee, professeur à l’Université Paris Nanterre

Questions

Pause méridienne

14h30 : les magistrats, acteurs du débat démocratique, sous la présidence de Lara Danguy des Déserts, coordonnatrice de la rédaction de la revue Délibérée

  • Les moyens du dialogue avec la société : les garanties européennes de la liberté d’expression des magistrats - Isabelle Boucobza, professeure à l’Université paris Nanterre ;
  • Le dialogue entre juges et citoyens en Pologne - Dorota Zabludowska, juge, et Paulina Kieszkowska, membre de l’ONG « the free courts initiative »,
  • Le dialogue en Italie dans le contexte de la lutte contre la mafia - Fabrizio Vanorio, procureur antimafia à Naples ;

Questions

16h30 : Intervention de clôture : Mariarosaria Guglielmi, présidente de MEDEL

Il est de bon ton, dans le débat public français, de déplorer un supposé "gouvernement des juges". Rejoignant parfois la légitime critique du dévoiement des juridictions internationales pour limiter abusivement la souveraineté des peuples en matière économique et sociale, cette rhétorique s'attaque le plus souvent aux décisions de justice - nationales ou européennes - rappelant aux gouvernants leur obligation de respecter les droits et libertés des citoyens ou, pire encore, sanctionnant la commission d'infractions pénales par des personnalités politiques.

Mais avant de se demander si la démocratie est menacée par un hypothétique gouvernement des juges, il nous a semblé important de se demander comment et par qui les juges sont gouvernés. Cette question renvoie aux garanties constitutionnelles et statutaire d'indépendance qui sont, ou non, reconnues aux magistrats. Les attaques frontales que subit aujourd'hui l'État de droit en Pologne, en Hongrie, en Bulgarie ou encore en Turquie nous rappellent à quel point ces garanties constituent une condition sine qua non du respect effectif des libertés de l'ensemble des citoyens. Mais cette question renvoie également, plus concrètement, à la façon dont les juridictions sont gérées et administrées. Si la justice française ne connaît pas (encore) une remise en cause de son indépendance aussi frontale qu'ailleurs en Europe, la pénurie budgétaire dans laquelle elle est laissée depuis des décennies constitue une autre façon, pour le pouvoir exécutif, de s'opposer à une réelle émancipation de l'autorité judiciaire. Il aura ainsi fallu la tragédie du suicide d'une magistrate et la mobilisation sans précédent des personnels de justice qui s'en est suivie pour que les gouvernants reconnaissent, enfin, la nécessité de renforcer significativement et durablement les moyens de la Justice.

Au-delà des questions budgétaires, questionner l'administration de la Justice revient également à questionner les conditions dans lesquelles les juges et procureurs sont nommés, sanctionnés, révoqués. Car les règles en la matière peuvent affecter directement l'indépendance concrète du juge dans son office quotidien et, partant, le droit de tout justiciable à un tribunal indépendant et impartial. C'est l'ensemble de ces questions que le syndicat de la Magistrature et MEDEL ont exploré dans un colloque dont les contributions sont ici réunies, dans une perspective critique et comparatiste, espérant ainsi contribuer à la consolidation et l'approfondissement de l'État de droit en France et en Europe.

 

Colloque MEDEL - l'administration de la justice, un enjeu démocratique (2.6 MB)

La France passe à nouveau à côté d’une occasion de rendre la compétence universelle pleinement effective

Paris, le 13 octobre 2023 - Le projet de Loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027, débattu en commission mixte paritaire, a été adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale mercredi 11 octobre. Les verrous restreignant l’application de la compétence universelle en France ont fait l’objet de débats parlementaires. Cependant, une fois encore, le législateur français, en s’alignant sur la position du gouvernement, n’a pas saisi pleinement cette opportunité pour rendre réellement effective la compétence universelle des juridictions françaises.

Le 5 octobre 2023, la commission mixte paritaire avait en effet une occasion unique de supprimer les quatre verrous à l’exercice de la compétence universelle des juridictions françaises. Toutefois, se contentant de reprendre la disposition adoptée par l’Assemblée nationale, le texte finalement retenu par la commission mixte paritaire constitue une avancée en demi-teinte.

« La suppression, par le législateur, de la condition de double-incrimination, est une victoire » ont déclaré Clémence Bectarte et Patrick Baudouin, co-présidents de la Coalition française pour la Cour pénale Internationale (CFCPI). « Mais le législateur aurait dû aller plus loin et supprimer complètement les verrous que nous dénonçons depuis plus de 10 ans. Ainsi, s’agissant de la condition de résidence habituelle, alors qu’il aurait pu supprimer purement et simplement cette condition, le législateur a finalement fait le choix d’en retenir une définition encore plus restrictive que celle actuellement en vigueur. »

Ce débat parlementaire intervenait à la suite de deux arrêts rendus en mai 2023 par la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière - sa formation la plus solennelle - dans le cadre de deux affaires syriennes dans lesquelles la compétence des juridictions françaises était contestée. Après un tumulte judiciaire ayant duré plusieurs années, la Cour de cassation a finalement confirmé la compétence des juridictions françaises pour connaître des deux cas d’espèce qui lui étaient soumis.

Ces affaires ont toutefois mis en lumière les lacunes de la loi française sur la compétence universelle et la nécessité de supprimer ses verrous afin de garantir que d’autres affaires judiciaires, notamment celles dont le Parquet National Anti-terroriste (PNAT) est déjà saisi, ne se trouvent pas menacées par les conditions restrictives de la loi.

L’ actualité judiciaire offrait ainsi au législateur une opportunité de réformer la loi en dotant la Justice française des instruments juridiques adéquats qui lui auraient permis de jouer son rôle en complément d’autres juridictions nationales et internationales, dans le combat universel contre l’impunité.

« La nouvelle définition de la résidence habituelle, telle qu’elle a été consacrée le 11 octobre, permet à de potentiels auteurs de crimes internationaux de séjourner en France en toute impunité  » a déclaré Jeanne Sulzer, responsable de la Commission justice internationale d’Amnesty International France. « Pour rappel, la France est le seul pays de l'Union Européenne à exiger de manière stricte le critère de résidence habituelle de l'auteur présumé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. »

« In fine, la réforme n’a fait sauter que l’un des verrous » fait observer Brigitte Jolivet du Syndicat de la magistrature.  « En maintenant les trois autres et notamment le monopole des poursuites confié au parquet et en imposant des règles de preuve complexes pour satisfaire à la condition de résidence habituelle , la France continue de refuser aux victimes des crimes internationaux un accès direct au juge français ».

Contacts presse :

FIDH – Maxime Duriez : +33 6 48 05 91 57 | mduriez@fidh.org

Amnesty International France – Samuel Hanryon : +33 6 60 62 51 18 |shanryon@amnesty.fr

Syndicat de la magistrature – contact@syndicat-magistrature.fr