Justice civile et sociale

Partant du constat assez unanime que les décrets dits « Magendie » n’ont pas atteint leurs objectifs, la direction des affaires civiles et du sceau prépare un décret réformant la procédure civile d’appel.

Si le garde des Sceaux s’est simplement engagé, devant les avocats, à « desserrer des délais », le comité des états généraux de la justice (EGJ) avait, de manière plus ambitieuse, préconisé une réforme profonde visant à l’allègement du formalisme de la procédure d’appel, ce qui laissait espérer un décret à la hauteur de cette ambition.

Certaines des réformes proposées vont bien dans le sens d’une clarification attendue de la procédure d’appel et la promesse d’un desserrement des délais semble tenue. En revanche, le « paradigme nouveau de l’appel » qu’a appelé de ses vœux le groupe de travail sur la justice civile des EGJ n’est pas à l’ordre du jour.

En effet, au terme de treize années d’application de la réforme Magendie et de cinq ans de mise en œuvre de la réforme de 2017 ayant notamment introduit les délais du circuit court, il convenait de prendre acte de la « surcharge procédurale » qui en a découlé du fait de la démultiplication de textes souvent dépourvus de clarté, parfois contradictoires, pensés dans une logique de gestion des flux d’une justice civile en péril, du fait également d’une surenchère de la part de juridictions d’appel asphyxiées tentées de penser la sanction procédurale comme un filtrage qui ne dit pas son nom.

Sous l’impulsion de la Cour européenne des droits de l’homme ayant condamné la France pour violation de l’article 6§1 de la CEDH en raison d’un formalisme excessif de la procédure d’appel (Lucas c. France, 9 juin 2022), le temps était venu de promouvoir, en droit interne, la fin de ce formalisme processuel excessif de l’appel en matière civile.

Telle n’est pourtant pas la voie choisie par le ministère.

Nous déplorons d’abord la méthode retenue par la chancellerie pour élaborer ce projet : présenté comme le fruit d’une réflexion ouverte, ayant largement associé les magistrats et avocats grâce à de « nombreux échanges » avec les équipes de la DACS lors des déplacements en juridictions, il s’appuie en réalité quasi exclusivement sur les réflexions d’un groupe de travail dont la composition assure, certes, une certaine expertise, mais dont la méthodologie reste méconnue. La DACS, se cantonne à une vision purement technique de la procédure, sans aucune réflexion ni sur les principes qui la sous-tendent, ni sur la philosophie générale de la réforme.

Cette vision étriquée de la procédure civile trouve écho dans un projet manquant d’ambition.

Le projet de décret, en privilégiant des interprétations de textes et des constructions jurisprudentielles au détriment d’autres, ne répond malheureusement pas aux attentes et objectifs qui devraient être assignés à cette refonte de la procédure afin de promouvoir une procédure civile proportionnée et adaptée au but poursuivi : assurer l’accès au juge d’appel dans le respect d’un procès équitable.

Pire, la logique de gestion des flux reste de mise, alors que s’accumulent les preuves tant de son inefficacité pour améliorer les délais de traitement des procédures, que de ses effets délétères sur la qualité de la justice. Ainsi, ce décret sera celui de l’introduction de la procédure sans audience devant la cour d’appel, de la consécration d’une interprétation défavorable aux justiciables du formalisme exigé pour que l’effet dévolutif de l’appel opère, d’une confirmation d’un circuit court enserré dans des délais procéduraux qui n’ont aucun sens au regard des délais d’audiencement des cours d’appel, ou encore d’une définition des compétences du conseiller de la mise en état venant entraver l’accès au juge d’appel.

 

Observations du Syndicat de la magistrature sur le projet de réforme de la procédure civile d'appel (873.97 KB)

Propositions du Syndicat de la magistrature - projet de réforme de la procédure civile d'appel (245.13 KB)

La loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite », autrement appelée loi « anti-squat » ou loi « Kasbarian-Bergé » a été définitivement adoptée par le Parlement le 14 juin 2023.

Ce texte est actuellement examiné par le Conseil constitutionnel (lien vers la saisine) auquel vient d'être adressée une contribution extérieure signée par un très large collectif.

Nous estimons qu’en tant que dernier rempart contre la promulgation d’une loi qui nous déshonore, le Conseil constitutionnel a la responsabilité de rappeler solennellement que tous les droits et libertés, y compris – et en particulier – le droit de propriété, doivent s’incliner devant la nécessité de respecter la dignité de la personne humaine.

C’est dans cet objectif qu’en plus de l’analyse littérale des non-conformités de chaque article à la Constitution telle qu’interprétée par la jurisprudence habituelle du Conseil constitutionnel, nous avons également développé une analyse transversale de la loi dans laquelle nous appelons précisément à une évolution de cette jurisprudence qui apparaît de plus en plus déconnectée du sens initial de l’article 2 de la DDHC et de notre contrat social.

Vous trouverez ci-dessous la porte étroite ainsi que le communiqué de presse collectif.

 

Contribution extérieure au CC - loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (476.82 KB) Voir la fiche du document

Communiqué de presse - porte étroite loi Kasbarian-Bergé (40.22 KB) Voir la fiche du document

Le Syndicat a transmis ses observations à la DACS sur les projets de décrets visant à introduire la césure du procès civil et à créer l'audience de règlement amiable dans le code de procédure civile.
 
Le principe même de la césure du procès civil nous apparaît inopportun en ce qu'elle complexifie une procédure civile déjà saturée. En outre, ce dispositif apparaît parfaitement décorrélé de l'objectif de célérité des procédures civiles annoncé par le garde des Sceaux et, bien plus, à rebours de tout objectif d'efficacité, à la lumière de l'état de délabrement des cabinets de mise en état incapables, par manque de moyens, de conduire une mise en état dynamique et interactive.
 
Si, en revanche, les modalités proposées pour la mise en œuvre de l'audience de règlement amiable (ARA) sont très largement perfectibles, le principe inscrit au projet semble répondre à nos aspirations, portées de longue date, selon lesquelles le juge judiciaire doit être l’acteur principal des modes alternatifs de résolution des litiges à partir du moment où il est saisi.
 
 

Par deux arrêts du 11 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est inclinée devant l’ordonnance du 22 septembre 2017, prévoyant un barème d’indemnisation des salarié.e.s victimes d’un licenciement injustifié. La Cour a ainsi censuré des juridictions qui avaient choisi, en vertu du droit international et européen, d’écarter ce barème lorsque cette indemnisation plafonnée ne pouvait pas offrir de réparation adéquate au salarié licencié abusivement.