Syndicat de la magistrature

Supprimer les sanctions pour la simple consommation de drogues dès demain : c'est possible et c'est simple !

Paris, le 26 juin 2023. Chaque année, le 26 juin est la journée internationale « Support. Don’t Punish » : partout dans le monde, militants et associations défendent des réformes des politiques des drogues pour favoriser l’accès aux programmes de réduction des risques et aux dispositifs de soins, lutter contre la répression et les discriminations liées à l’usage de drogues. La nouveauté cette année ? Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD), constitué d’une quinzaine d’organisations*, lance un appel à signer une pétition déposée sur le site internet de l’Assemblée nationale proposant une loi pour mettre fin aux sanctions pour simple consommation de drogues.

Par cette action, le CNPD dénonce l’absurdité de la prohibition instaurée par la loi du 31 décembre 1970. Elle se traduit par une politique de plus en plus répressive, sanctionnant la consommation de drogues, dont l’inefficacité et les effets délétères sont largement documentés.

Entre 2016 et 2020, près d’une personne sur 5 (18%) des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie l’a été pour une infraction à la législation des stupéfiants. 80% de ces interpellations concerne l’usage simple et non pas le trafic1.

La seule réponse appropriée, et qui a fait ses preuves, est une politique de santé publique. La réduction des risques est inscrite dans la loi depuis 2004 et a été confortée par la loi de modernisation de notre système de santé en 2016, ainsi que par l’arrêté du 26 janvier 2022 portant approbation du cahier des charges national relatif aux haltes soins addiction. Mais elle reste aujourd’hui entravée. Supprimer les sanctions pour usage de drogues permettrait de développer cette politique d’accès à la prévention et aux soins. Elle aurait pour conséquence d’améliorer la lisibilité du cadre juridique, d’apporter de la cohérence aux politiques publiques, et de mettre fin à une répression qui génère des discriminations et n’a d’autre objet qu’une forme de contrôle social.

La suppression des sanctions pour usage de drogues est une mesure simple et efficace. La France en a désespérément besoin pour répondre aux impératifs de promotion de la santé, de protection des populations, de justice sociale et de gestion efficace des finances publiques. 

Face à des débats politiques sur les drogues trop souvent caricaturaux, empreints de fausses informations et de stigmatisation à l’encontre des consommateurs, le CNPD apporte des éléments de réponse clairs, précis, ayant une réelle assise juridique et soutenus par des preuves scientifiques avérées.

*Organisations membres du CNPD : Association Guyanaise de réduction des risques (AGRRR), Aides, Autosupport des usagers de drogues (ASUD), Cannabis Sans Frontières, collectif Police Contre la Prohibition, Fédération Addiction, Ligue des Droits de l’Homme, Groupe de Recherches Clinique sur les Cannabinoïdes (GRECC), Médecins du Monde, NORML France, Observatoire International des Prisons, SAFE, SOS addictions, Syndicat de la Magistrature.

 

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1 Interstats, Services statistique ministériel de la Sécurité intérieure, n°38, version du 22 mars 2022

Le 5 mai dernier, la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis, créée en janvier 2020, présidée par Monsieur Robin Reda (LR, Essonne), et qui avait préalablement organisé une consultation citoyenne sur le sujet, a présenté son rapport thématiquerelatif au cannabis dit « récréatif » au cours d’une conférence de presse.

Les députés, issus de la majorité notamment, y proposent la légalisation contrôlée du cannabis, permettant à l’Etat de reprendre le contrôle pour mener une politique publique réellement effective, notamment en direction des mineurs. Nous avions développé nos observations lors de notre audition par la commission en décembre dernier. 

Vous trouverez ici la tribune que nous avons publiée le même jour dans le journal Le Figaro, avec Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, ancien président de la Fédération addiction, et Pierre-Yves Geoffard, économiste spécialiste des systèmes de santé, professeur à l’Ecole d’économie de Paris, dans laquelle nous plaidons pour un changement de paradigme dans la politique publique des drogues, afin de mieux lutter contre les dommages sanitaires et sociaux qu’elles causent, y compris la criminalité associée. 

Vous trouverez par ailleurs ci-joint le courrier adressé en commun avec d’autres organisations (OIP, SAF, Association des services de psychiatrie en milieu pénitentiaire, Fédération addiction, Médecins du Monde, Aides, Sidaction…) aux ministères de la Santé, de la Justice, président de la MILDECA, CGLPL et Défenseure des droits, réclamant que la loi adoptée en 2016 soit mise en oeuvre pour que les personnes détenues puissent accéder à la politique de réduction des risques comme en milieu libre afin notamment de prévenir la propagation du VIH et des hépatites. A la suite de ces démarches, le conseiller pénitentiaire du garde des Sceaux nous a accordé un entretien. Nous poursuivons nos actions en faveur de la santé des personnes détenues, afin que ce soit enfin respecté le principe selon lequel la privation de liberté ne doit pas s’accompagner de la perte d’autres droits fondamentaux.
 

Le Syndicat de la magistrature a participé le 21 janvier dernier à une conférence de presse organisée par le Collectif pour une nouvelle politique des drogues, dont nous sommes membres aux côtés d’une vingtaine d'organisations fédérant des acteurs du champ du médico-social, des usagers, des policiers, ainsi que le SAF et la LDH (Fédération addiction, Police contre la prohibition, Aides, Médecins du Monde, Asud…).

L’actualité est marquée par la volonté de parlementaires, y compris de la majorité et du groupe Les Républicains, de faire avancer la législation sur le cannabis (cf notre mail précédent sur notre audition par la mission parlementaire sur le cannabis). Une consultation citoyenne a été lancée le 14 janvier par la mission. Caroline Janvier, députée LREM et rapporteure de la mission cannabis, a ainsi indiqué dans une interview cette semaine qu’elle souhaitait porter le sujet de la légalisation du cannabis pour qu’il figure au programme de l’élection présidentielle en 2022. 

Dans ce contexte, qui est aussi celui du cinquantième anniversaire de la loi de 1970 prohibant les stupéfiants, le collectif a commandé un sondage sur les perceptions des français, qu’il a rendu public lors de cette conférence de presse. Au delà de ce sondage, qui est essentiellement un élément de communication pour porter le sujet sur le devant de la scène, cet événement avait pour but de rappeler nos arguments de fond sur les limites de la politique publique mise en oeuvre, dans laquelle la répression prend le dessus et fait obstacle aux politiques de dépistage, prévention, réduction des risques et prise en charge. 

Quelques exemples de retombées presse : 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/21/une-tres-forte-majorite-de-francaises-et-de-francais-favorables-a-un-debat-sur-la-politique-des-drogues_6067121_3224.html 
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/drogues-la-penalisation-de-l-usage-inefficace-pour-deux-tiers-des-francais-20210121 
https://www.liberation.fr/france/2021/01/25/cinquantieme-anniversaire-de-la-loi-de-1970-la-guerre-lancee-a-la-drogue-est-un-echec_1818324 

Vous trouverez ci-joint l’infographie élaborée par le collectif et présentée lors de la conférence de presse. 

Nous poursuivrons ces actions collectives tout au long de l’année, afin d’accompagner le mouvement qui s’intensifie pour l’ouverture d’un véritable débat sur la politique publique en matière de drogues, bien loin des coups de menton d’un exécutif qui reste pour le moment sourd aux constats des professionnels de tous les champs et dont la résistance constitue aujourd’hui la principale source de blocage aux réformes. 

Infographie (1.01 MB) Voir la fiche du document