Paris, le 11 septembre 2008

Paris le 11 septembre 2008


Monsieur François Fillon
Premier ministre




Monsieur le Premier ministre,

Votre gouvernement a promulgué le 1er juillet 2008 le décret n°2008-632 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Edvige.
Ce fichier avait fait l’objet d’un avis de la CNIL, publié au même Journal Officiel, qui marquait des réserves importantes, dont le gouvernement n’a semble-t-il que très partiellement tenu compte.

Depuis lors, le collectif « non à Edvige » a rassemblé les signatures de plus de 150 000 personnes et 850 organisations ou associations à ce jour. Les signatures continuent d’affluer, des relais locaux se mettent en place amplifiant ainsi la mobilisation et le refus de ce texte.
Douze organisations (AIDES, CFDT, CGT, Collectif contre l’Homophobie, FSU, Inter-LGBT, IRIS, L’autre Cercle, LDH, SAF, SM, Union Syndicale Solidaires) ont déposé des recours devant le Conseil d’Etat contre ce décret et celui non publié qui concerne le fichier Cristina. D’autres ont saisi dans le même temps la Halde.

Cette immense mobilisation est populaire et citoyenne. Elle regroupe, bien au-delà des clivages politiques, toutes celles et ceux qui constatent que ce fichier est une atteinte grave au droit à la présomption d’innocence ainsi qu’à des libertés fondamentales ou constitutionnelles : liberté d’aller et venir, liberté de pensée ou liberté d’appartenance à l’organisation syndicale de leur choix.
Ce fichier remet en cause des droits qui relèvent de la sphère privée la plus intime (vie sexuelle, maladie), il fait peser des risques d’interdits professionnels. . Le droit d'information et le droit d'opposition, prévus dans le décret du 14 octobre 1991, ne le sont plus.
Dire que celles et ceux qui signent sont dans le fantasme témoigne d’une méconnaissance grave du texte contesté. Nous sommes loin de la simple reconduction de l’ancien décret.

En avril dernier, lors de l’abandon du fichier Ardoise, le Ministre de l’Intérieur avait promis une large concertation qui ne s’est jamais mise en place.
Nous pensons donc que vous seul pouvez garantir que les paroles du Président de la République sur un projet de texte « protecteur des libertés » puissent conduire à un vrai débat public associant les citoyens de notre pays.
Aucun Etat démocratique ne dispose d’un tel fichier. Aucun gouvernement européen n’éprouve cette tentation de ficher à ce point la vie privée. Nous ne comprenons pas pourquoi se serait impératif en France.
Porteurs de la volonté de retrait qui s’est exprimée massivement, nous sommes légitimes à demander à vous rencontrer pour l’ouverture d’un débat public sur la protection de nos libertés collectives et individuelles.

Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre l’expression de notre haute considération.

Au nom du collectif ,